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Les mesures basées sur le marché au sein de l’Organisation Maritime Internationale : outil complémentaire pour assurer la décarbonation du transport maritime ?

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Ecrit par Romy Garnier dans le cadre d'un stage au CDMO financé par le cluster CARGO

31 Aout 2023

« Si nous ne procédons pas aux changements de manière inclusive, l’échec est assuré, car les gens ne soutiendront pas les transitions s'ils sont laissés pour compte »1 .

Mafalda DUARTE, Directrice du Fonds d’Investissement Climatique, Organisation des Nations Unies.

        Mafalda DUARTE, Directrice du Fonds d’Investissement Climatique des Nations Unies, s’est exprimée en juin 2021 au sujet du financement de l’action climatique. Elle a appuyé le fait que l’avenir de l’action climatique se jouait dans les Pays en Voie de Développement (PVD), qui demandent près des deux-tiers du montant des investissements nécessaires en matière d’infrastructures pour le climat d’ici 2030 2. Mais par-dessus tout, Madame DUARTE insiste sur l’importance d’une transition juste et équitable pour réaliser effectivement les objectifs climatiques. En ce sens, les changements à opérer ne concernent pas seulement les investissements, mais aussi les comportements. L’une des solutions pour opérer ce changement de comportement est le financement des activités de lutte pour climat, et la redistribution des revenus générés aux PVD afin de leur permettre d’investir dans des solutions durables. Mise en lien avec les problématiques du secteur du transport maritime, cette discussion fait sens.

     L’Organisation Maritime Internationale (OMI) est une organisation intergouvernementale créée en 1948 par une Convention internationale signée à Genève, et officiellement entrée en vigueur en 1958. Elle a pour objet de réglementer le secteur maritime international dans les domaines de la sécurité, de la sûreté et de la prévention contre les pollutions marines. L’OMI réglemente l’ensemble du secteur du transport maritime international. Pour mener à bien ses travaux, elle est organisée en plusieurs comités et sous-comités. Ainsi, l’OMI est assistée par un Comité de la Protection du Milieu Marin (MEPC), compétent pour les questions relatives à la prévention contre les pollutions marines, notamment les pollutions atmosphériques telles que les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) provenant des navires. Au sein du MEPC se trouve un Groupe de Travail Intersessions sur les Émissions de Gaz à Effet de Serre provenant des navires (ISWG-GHG), qui effectue un travail de fond sur cette thématique. L’ensemble des travaux discuté au sein du ISWG-GHG sont ensuite soumis au MEPC qui conserve le pouvoir décisionnel.

      L’OMI a commencé ses travaux sur les émissions de GES provenant des navires dans les années 1990. En outre, en septembre 1997, la Conférence Internationale des Parties adopte le Protocole de 1997 modifiant la Convention pour la Prévention de la Pollution Marine des Navires (MARPOL), afin d’y ajouter l’Annexe VI relative à la pollution atmosphérique. Au moment de son adoption, en 1973, elle ne concernait que les pollutions par hydrocarbures. Puis, son champ d’application s’est étendu à travers l’adoption de différentes Annexes, faisant ainsi de cette Convention l’outil par excellence pour la lutte contre les pollutions provenant des navires. En décembre 2003, l’OMI adopte la Résolution A.963(23) sur les politiques et pratiques de l'OMI liées à la réduction des émissions de GES des navires. Cette Résolution incite le MEPC à identifier et à développer les mécanismes nécessaires pour limiter ou réduire les émissions de GES provenant du transport maritime international, ainsi qu’un plan de travail pour élaborer des mesures en ce sens 3.

        C’est lors du MEPC 55 (octobre 2006) qu’un plan de travail a été adopté. Il incombait aux membres de l’OMI de se pencher sur l’étude des Mesures Basées sur le Marché (MBM). Elles visent à fixer un prix sur les émissions de GES, et servent deux principaux objectifs : « fournir une incitation économique à l'industrie maritime à réduire sa consommation de carburant en investissant dans des navires et des technologies plus économes en carburant et à exploiter les navires de manière plus économe en énergie (réductions dans le secteur) ; et fournir une compensation dans d'autres secteurs de la croissance des émissions des navires (réductions hors secteur) »4. Lors du MEPC 59 (juillet 2009), les États ont reconnu que les mesures techniques et opérationnelles ne seraient pas suffisantes pour réduire de manière efficace la quantité d'émissions de GES compte-tenu des projections de croissance du commerce international, et que l’adoption de MBMs étaient nécessaire.

          L’OMI va parvenir à adopter des mesures obligatoires visant à réduire les émissions de GES à partir de 2011 5 . Il ne s’agit, à ce moment-là, que de mesures techniques et opérationnelles relatives à l’efficacité énergétique des navires. Elles sont l'Indice de Conception de l'Efficacité Énergétique (EEDI) pour les nouveaux navires et le Plan de Gestion de l'Efficacité Énergétique des Navires (SEEMP) pour les navires existants, et sont entrées en vigueur le 1er janvier 2013. Pour leur donner une force obligatoire, ces mesures ont fait l’objet d’amendements à l’Annexe VI de la Convention MARPOL 6. Elles ont été complétées postérieurement par d’autres mesures de performance destinées à réduire les émissions de GES : l’Indice d’Efficacité Énergétique des Navires Existants (EEXI) et l’Indicateur d’Intensité Carbone (CII) 7. L’EEDI et l’EEXI sont des mesures techniques et opérationnelles applicables aux navires construits respectivement après et avant 2013. Ils doivent respecter un niveau d’efficacité énergétique. Le CII est une mesure opérationnelle mesurant l’efficacité avec laquelle un navire transporte des marchandises ou des passagers. Les navires, nouveaux ou déjà existants, doivent atteindre un CII sur une base annuelle, selon laquelle ils reçoivent une note d’efficacité énergétique allant de A à E 8 . Ces mesures imposent des limites à atteindre, tout en laissant le choix des technologies pour y parvenir 9.

          Par ailleurs, pour renforcer son engagement en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique, le MEPC adopta en 2018 la Résolution MEPC.304(72). Cette stratégie, qui fait suite à l’Accord de Paris du 12 décembre 2015, tient à l’adoption de la Stratégie Initiale de l’OMI en matière de réduction des GES provenant des navires 10. Cinq années plus tard, le MEPC a révisé, ce 07 juillet 2023, cette Stratégie, confirmant de nouveau la volonté de l’OMI de réduire les émissions de GES du secteur et de respecter l’objectif fixé par l’Accord de Paris 11. Mais surtout, cette Stratégie Révisée 2023 fait de nouveau la mention des MBMs. Elle inclut les MBMs au sein d’un panier de mesures comprenant une mesure technique d’intensité de GES et une mesure économique.

       Toutefois, malgré cet appel aux négociations concernant les MBMs, leur sort demeure encore incertain. En effet, les discussions sur le sujet lors des différentes sessions du Comité ont été disparates : on observe une continuité des discussions en 2010 (MEPC 60) et en 2012 (MEPC 63), puis une pause jusqu’en 2018 où les MBMs font leur réapparition de manière très discrète, au travers de quelques propositions soumises par les États, suite à l’adoption de la Stratégie Initiale. Si les MBMs font de nouveau surface, c’est parce qu’elles représentent un outil essentiel pour répondre aux nouveaux niveaux d’ambition fixés par le MEPC, à savoir atteindre le net-zéro d’émissions de GES d’ici 2050, avec des échelons en 2030 et 2040 : réduire de 20-30% les émissions de GES d’ici 2030, et de 70-80% d’ici 2040 12. Elles font l’objet de fortes préoccupations de la part des États membres et des Industries membres de l’OMI. En conséquence, plusieurs propositions ont été faites à ce jour, avec divers mécanismes mis en avant : le Système d’Échange de Quotas d’Émissions (SEQE) 13, la Taxe sur le carbone 14 ou encore la Taxe avec remise (ou système de récompense) 15. Si leurs discussions sont si hachées et complexes, c’est parce que les MBMs soulèvent de nombreux enjeux. Elles soulèvent des enjeux politiques et environnementaux ainsi que des enjeux économiques relatifs aux distorsions de concurrence ou à la création de risques financiers pour les armateurs et les États. Enfin et surtout, les MBMs soulèvent des enjeux d’équité.

        Tous ces différents enjeux sont à prendre en compte pour l’élaboration d’une MBM. Cette mesure doit pouvoir faire l’objet d’un consensus entre les membres de l’OMI et doit permettre une réduction effective des émissions de GES du transport maritime international. De plus, elle doit répondre impérativement aux principes directeurs de la Stratégie Révisée de l’OMI, afin d’assurer une transition juste et équitable. C’est essentiel pour permettre une décarbonation efficiente. C’est donc un important défi à relever.

En ce sens, on peut se demander comment une Mesure Basée sur le Marché doit-elle être construite afin de prendre en compte les considérations d’équité tout en réalisant les objectifs climatiques visés par l’Organisation Maritime Internationale ?

        L’adoption d’une MBM au sein de l’OMI fait l’objet de discussions très actuelles. C’est une mesure à moyen terme qui permettrait de compléter les mesures existantes, en apportant un soutien financier important à l’industrie et aux États. Pour qu’une MBM soit adoptée au niveau international, elle doit être efficace tant sur le plan environnemental et économique que sur le plan de l’équité. Ainsi, une MBM doit être un moyen de maximiser les résultats climatiques et économiques (I) tout en assurant une transition juste et équitable du transport maritime (II).

I. Les mesures basées sur le marché en tant que moyen pour maximiser les résultats climatiques et économiques

        Pour adopter une mesure basée sur le marché dans le secteur du transport maritime international, cette dernière doit faire l’objet d’un consensus au sein de l’OMI. Pour y aboutir, l’OMI doit prouver sa propre légitime politique et l’intérêt économique de la mesure (A). De plus, la mesure basée sur le marché doit être déterminée sur la base de critères et objectifs préalablement définis, ainsi qu’être évaluée selon une évaluation d’impacts (B).

A. La légitimité de l'organisation maritime international pour l'adoption de mesures basées sur la marché

         Pour l’adoption de mesures économiques, notamment des mesures basées sur le marché, il faut tout d’abord se pencher sur la légitimité de l’OMI. En effet, il faut regarder si au regard de ses compétences (1) et du cadre économique actuel (2), l’OMI serait légitime pour adopter des mesures économiques pour le transport maritime international.

1. La légitimité politique de l'organisation maritime internationale par le consentement de ses membres et ses compétences attribuées

          Imposer une mesure économique pose la question de la légitimité politique de l’OMI. On est en droit de se demander si l’OMI ne sortirait pas de ses compétences attribuées. À titre de comparaison, l’Union Européenne (UE) détient une légitimité politique, économique et juridique à imposer une telle mesure à ses États membres. L’UE est une organisation régionale d’intégration, contrairement à l’OMI qui est une organisation internationale sectorielle. L’une est régie par le vote à majorité qualifiée, tandis que l’autre par le consensus. À noter que la majorité qualifiée est devenue une marque de fabrique de l’intégration, et implique que tous les États membres n’ont pas besoin de donner leur consentement pour l’adoption d’une mesure régionale. Elle permet l’adoption de règlementations contraignantes, effectives et uniformes sur le plan régional. D’autant plus qu’en matière de transport, d’environnement et d’énergie, l’UE détient une compétence partagée avec les États membres 16, ce qui lui confère une légitimité supplémentaire. Cette compétence partagée signifie que les États membres de l’UE ont consenti, par la ratification du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), à transférer une part de leur souveraineté, de leurs compétences, à l’Organisation. En outre, l’UE répond initialement à une nécessité économique. Cette nécessité économique a pris racine dans un contexte de fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Aujourd’hui encore, cette exigence économique justifie l’existence contemporaine de l’UE. Enfin, son action en matière de décarbonation du transport maritime se légitimise également au travers de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM). L’article 211 alinéa 2 de la CNUDM dispose que « les États adoptent des lois et règlements pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires battant leur pavillon ou immatriculés par eux. Ces lois et règlements ne doivent pas être moins efficaces que les règles et normes internationales généralement acceptées, établies par l'intermédiaire de l'organisation internationale compétente ou d'une conférence diplomatique générale »17. Cet article visant les pollutions par les navires mentionne « l’organisation internationale compétente ». Autrement dit, la mise en place d’une mesure économique à couverture régionale par les États membres de l’UE est légitime, puisqu’elle répond à l’inaction de l’OMI 18, pourtant elle aussi visée par l’article. Ainsi, l’UE dispose d’une solide légitimité certaine pour imposer des MBMs.

        Elle a sauté le pas en incluant le transport maritime dans son système d’échange de quotas d’émissions (SEQE), depuis l’adoption d’un Règlement Européen et d’une Directive Européenne en avril 2023 19. Le SEQE fixe un quota maximal d’émission admissible et laisse le marché en déterminer le prix. C’est un système sujet à la spéculation. Les entreprises ont des quotas d’attribués, avec 1 tonne de CO2 équivalent (CO2e) pour 1 quota d’émission. Elles peuvent échanger entre elles leurs quotas tant qu’elles respectent la limite à ne pas dépasser. Les compagnies maritimes seront tenues de restituer des quotas d’émissions, et leurs émissions seront contrôlées selon un calendrier progressif : 40% des émissions déclarées vérifiées en 2024, 70% en 2025, et 100% à partir de 2026 20. Ce SEQE est une MBM dont les revenus générés seraient attribués au développement de technologies de décarbonation du secteur 21.

         A contrario, la légitimité de l’OMI à imposer une MBM à ses membres fait l’objet d’interprétations diverses et variées. Selon l’analyse d’Aoife O’Leary et Jennifer Brown, chercheuses à l’Université de Columbia 22, le mandat de l’OMI permettrait implicitement de donner à cette dernière la compétence d’adopter ce type de mesure. L’article 2 de la Convention portant création de l’OMI – Traité Fondateur de l’OMI – lui donne compétence en matière de protection du milieu marin, et plus largement en matière de réduction des émissions de GES 23. L'article autorise l'OMI à « exercer les fonctions (…), en particulier celles qui lui sont assignées par ou en vertu d'instruments internationaux relatifs aux questions maritimes et aux effets de la navigation sur le milieu marin »24. Il donne donc une base juridique par laquelle l'OMI peut établir et administrer des mesures économiques. Et nulle part dans le Traité Fondateur il n'y a de limite aux types d'instruments qui peuvent être promulgués par les membres de l'OMI. Par conséquent, selon l’interprétation de cet article, la seule limite juridique aux mesures qui peut être admise à l'OMI serait sa compétence. Concernant l’UE, la question ne se pose pas puisque les États membres lui ont explicitement donné compétence lors de leur adhésion à l’Organisation. Toutefois, concernant l’OMI, cela est moins sûr. Les membres de l’OMI ont consenti à ce qu’une organisation internationale réglemente l’intégralité du transport maritime international de marchandises. Ils ont consenti sur la compétence de l’OMI liée à la protection du milieu marin. Mais, au vu du Traité fondateur, ils n’ont pas directement consenti à une compétence pour prendre des mesures économiques.

         Malgré cette imprécision dans la lettre du Traité fondateur, cette compétence pourrait aussi être indirectement reconnue sur la base d’un autre texte. En ce sens, la CNUDM donne une autre base juridique indirecte par son article 211 alinéa 1 cité précédemment 25. Cet article visant les pollutions par les navires mentionne « l’organisation internationale compétente ». S’il donne compétence à l’UE, il donne aussi compétence à l’OMI, compétente pour la protection du milieu marin. Elle serait alors en mesure d’adopter une MBM afin de « prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires ». Ainsi, les membres de l’OMI, également majoritairement membres de la CNUDM, auraient implicitement donné leur consentement pour l’adoption de MBM au sein de l’Organisation. 

       La légitimité de l’OMI peut également être renforcée par le Protocole de Kyoto annexé à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), qui renvoie directement ses membres à l’OMI dans le domaine de la lutte contre les émissions de GES 26, toujours sans préciser les mesures à prendre pour cela. Par ailleurs, il est de bon droit de se demander pourquoi l’OMI ne serait pas légitime pour adopter un tel instrument, alors que des États ont adopté des SEQE dans d’autres domaines, sur application de leurs compétences en matière de réduction des émissions de GES et de mise en œuvre d’un marché carbone conférées par l’Accord de Paris 27. L’OMI, compétente en matière de réduction des émissions de GES des navires, serait alors compétente pour adopter des instruments économiques dans le secteur du transport maritime international.

2. La légitimité économique de l'organisation maritime internationale illustrée par la nécessité d'adopter une mesure basée sur le marchée au niveau international

        Selon la quatrième Étude sur les émissions de GES de l’OMI, les émissions du transport maritime international sont passées de 977 millions de tonne de Dioxyde de Carbone Équivalent (CO2e) en 2012 à 1 076 millions de tonne de CO2e en
2018 
28, faisant du transport maritime le responsable des 2,89% des émissions anthropiques mondiales 29. Cela traduit donc une augmentation de 9,6% des émissions de GES depuis les niveaux de 2008 30. Par ailleurs, l’étude prévoit que ces émissions de GES pourraient augmenter de 90-130% d’ici 2050 si le transport maritime ne met pas en place des mesures destinées à réduire drastiquement les émissions de GES 31. Et ces émissions ne cesseraient d’augmenter, en raison de la croissance du commerce maritime international d’ici 2050. En effet, selon l’un des rapports de DNV, le commerce maritime international pourrait croître de 25-180 % entre 2020 et 2050 32. Il faut préciser que la Stratégie Révisée 2023 a revu ses niveaux d’ambitions à la hausse, en visant le net-zéro d’ici 2050 33. Le signal a donc été lancé aux différents acteurs du secteur maritime pour adopter des mesures efficaces afin de réduire drastiquement les émissions de GES. Ils doivent fournir des efforts supplémentaires, car selon leur rythme de cadence actuel, le net-zéro en 2050 pourrait ne pas être atteint. En effet, comme évoqué en introduction, les mesures techniques et opérationnelles ne sont entrées en vigueur que récemment : 2013 pour l’EEDI et le SEEMP, et 2023 pour l’EEXI et le CII. Ces différentes mesures techniques et opérationnelles représentent une belle avancée pour la décarbonation du transport maritime, mais le panier de mesures est incomplet. Sur le court et moyen-terme, ces mesures pourront potentiellement permettre de limiter l’impact de la pollution atmosphérique du transport maritime, mais elles sont insuffisantes sur le long terme.

      En outre, elles représentent des coûts importants pour les acteurs de ce secteur, notamment en ce qui concerne l’investissement dans des carburants zéro carbone ou alternatifs, ainsi que toutes les modifications matérielles à apporter aux navires et aux infrastructures portuaires en raison des changements de carburants. Pour donner une idée, 8 à 28 milliards de dollars seraient nécessaires chaque année en investissement total supplémentaire pour les navires en phase de transition vers la décarbonation en 2050 34. Environ 30 à 90 milliards de dollars par an seraient nécessaires à terre pour augmenter la production, la distribution de carburant et l'infrastructure de soutement afin de fournir des carburants neutres requis en carbone pour 2050 35. Et les coûts annuels du carburant du navire pourraient augmenter de 100- 150 milliards de dollars lorsqu'il sera entièrement décarboné, soit 70-100 % de plus qu'aujourd'hui 36. Les MBMs vont permettre de palier à ces externalités négatives en internalisant les coûts externes des émissions produites, même si ce n’est pas leur objectif initial. En somme, les MBMs vont avoir pour effet secondaire de faire payer les dommages causés par la pollution atmosphérique du transport maritime à ses pollueurs, notamment les États et les industries. Par conséquent, les MBMs sont indirectement la matérialisation du principe du pollueur-payeur, reconnu comme principe du droit international de l’environnement par l'Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) en 1972 37.

        De plus, au sein de l’OMI, les MBMs jouent un rôle de premier plan : favoriser un cadre capable de promouvoir et de favoriser l’accès aux carburants alternatifs, en permettant de réduire l’écart de prix entre les carburants fossiles traditionnels et les carburants alternatifs, et en garantissant une transition juste et équitable pour les États. L’objectif, rappelons-le, est de réduire les émissions de GES. Ainsi, les MBMs doivent influer sur les coûts d’investissements et uniformiser les règles du jeu en la matière 38. Il est plus que nécessaire d’apporter un soutien financier envers les acteurs du secteur maritime, afin d’accélérer la décarbonation et répondre au net-zéro prévu en 2050. Il faut inciter ces acteurs à changer leur comportement avec le soutien financier adéquat, pour qu’ainsi la MBM permette d’atteindre le net-zéro fixé par l’OMI d’ici 2050.

        En outre, la mise en place d’une mesure économique par l’OMI pourrait également permettre de réduire les inégalités entre les États, en plus de son objectif de réduction des émissions de GES. En effet, les revenus générés par la MBM pourraient être utilisés afin de réduire l’écart de compétitivité entre les États industrialisés et les États moins industrialisés. En projetant un scénario de décarbonation complète d'ici 2050, les revenus d’une MBM pourraient se situer entre 1 000 milliards de dollars et 2 000 milliards de dollars 39. Selon la Banque Mondiale, les revenus générés par une MBM du transport maritime international pourraient impliquer une moyenne d'environ 40 à 60 milliards de dollars de revenus annuels 40. Autrement dit, une mesure économique permettrait de générer des revenus importants, qu’il serait nécessaire d’exploiter pour réduire efficacement les émissions de GES ainsi que pour permettre une transition juste et équitable de la décarbonation 41. L’OMI a son rôle à jouer pour réduire les inégalités entre les États.

         Ainsi, l’OMI est légitime tant sur le plan politique que le plan économique. Cependant, avant d’adopter une telle mesure, il est nécessaire de procéder à son évaluation pour déterminer ses potentiels impacts, positifs comme négatifs?

B. La nécessaire évaluation d'impact de la mesure basée sur le marché

         Il convient d’analyser les principaux critères qui permettent à une MBM d’être efficace sur le plan environnemental (1), pour ensuite élaborer des évaluations d’impacts pertinentes qui permettront de déterminer les différents impacts disproportionnés d’une telle mesure (2).

1. Définition du champ d'efficacité environnemental d'une mesure basée sur le marché

         La mise en place d’une mesure économique comme une MBM dans le transport maritime doit permettre de réduire les émissions de GES des navires. Elle doit répondre aux nouveaux niveaux d’ambitions fixés lors du MEPC 80 (juillet 2023) : atteindre le net-zéro d’émissions de GES d’ici 2050, avec des augmentations progressives en 2030 et en 2040 : réduire de 20-30% les émissions de GES d’ici 2030, et de 70-80% d’ici 2040 42. Plus particulièrement, une MBM consiste en une incitation financière qui permettrait à l’industrie du transport maritime de modifier son comportement, notamment en investissant dans de nouveaux navires à zéro émission et/ ou dans des carburants alternatifs à faible voire zéro émission.

        En conséquence, le champ d’application d’une MBM doit être global, et ne pas faire l’objet d’exemptions afin d’éviter toute distorsion de concurrence 43. Ensuite, il faut rassurer l’industrie du secteur maritime en permettant des investissements massifs dans des carburants à faible ou zéro émission. En outre, une MBM doit permettre de réduire l’écart de prix entre les carburants fossiles traditionnels et les carburants alternatifs. À ce titre, une étude indique que les carburants fossiles représentent 98% de la consommation de carburant mondiale dans le secteur 44. Les pionniers du secteur maritime qui utilisent des carburants alternatifs supporteraient 28 milliards de dollars de dépenses annuelles de carburant, s’ils ne sont pas soutenus financièrement 45. En effet, les coûts de production de carburants alternatifs seraient 2 à 8 fois supérieurs par rapport aux carburants fossiles. De plus, les coûts de carburants représentent 20 à 25% du coût total de possession du navire 46. C’est un écart de prix conséquent représentant une lourde charge à supporter. Ainsi, il faut soutenir l’industrie avec une MBM qui permettrait d’uniformiser les règles du jeu concernant les carburants. Elle doit rendre les carburants à faible et zéro émission accessibles, avec des prix permettant de concurrencer les carburants fossiles traditionnels.

          Mais pour réaliser cela, la MBM doit fixer un prix sur les émissions. Et selon le mécanisme à l’œuvre, il y a plus ou moins de chances d’atteindre cet objectif. Le mécanisme de Taxe est souvent privilégié, contrairement au SEQE. En effet, il est fixé à l’avance, alors que le SEQE est sujet à la spéculation. La Taxe permet ainsi de rassurer l’industrie, et d’éviter les risques d’investissements et financiers. En ce sens, le prix doit être débattu et faire l’objet d’un consensus. Il est entendu qu’un prix élevé au départ pourrait décourager certaines compagnies maritimes. Toutefois c’est ce que propose Maersk en première option, avec un prix élevé à hauteur de 230 dollars par tonne de CO2 (230$/tCO2) dès 2025 47. Cela permettrait de ramener les coûts liés aux combustibles fossiles au même niveau que les coûts élevés des combustibles à faible et zéro émission 48 et d’atteindre le net-zéro en 2050. Ce niveau de prix élevé est rejoint par plusieurs études, qui indiquent qu’un prix supérieur à 200$/tCO2 serait le plus efficace pour atteindre le net-zéro en 2050 49. Cependant, Maersk propose également une deuxième option avec une taxe de 100$/tCO2 dès 2025, qui augmenterait à 175$/tCO2 en 2030 jusqu’en 2050 50. Cette deuxième option propose des prix qui seraient plus supportables pour l’industrie, qui permettraient de réduire l’écart de prix entre les carburants et d’atteindre le net-zéro en 2050. Avec ces prix, Maersk estime que 500 milliards de dollars pourraient être générés d’ici 2050, et pourraient être utilisés pour un financement global de la lutte contre le changement climatique. La proposition de Taxe sur les GES proposée par les Îles Marshall et Solomon rejoint la deuxième option proposée par Maersk 51. En comparaison, le SEQE fixe un quota maximal d'émission admissible et laisse le marché en déterminer le prix. La proposition de MBM visant un SEQE prévoit de fixer un plafond d’émissions progressif se calquant sur les nouveaux niveaux d’ambitions de la Stratégie Révisée 2023 52. Les quotas seraient mis aux enchères, et leur prix varierait selon l’offre et la demande. Il faut privilégier la mise aux enchères des quotas plutôt qu’une délivrance gratuite, car cela pourrait potentiellement inciter à la fraude carbone 53.Un tel système permettrait une certitude sur la réduction des émissions de GES, mais creuserait les inégalités entre les États 54. Enfin, la Taxe avec Remise (ZESIS) proposée par le Japon 55 utiliserait les revenus d’une taxe sur le carbone comme rabais pour les carburants à faible et zéro émission 56. Autrement dit, le ZESIS vise explicitement à combler l’écart de prix entre les carburants. Toutefois, à l’heure actuelle peu de navires utilisent des carburants alternatifs, on peut alors supposer que le prix de la taxe serait faible au départ, puis augmenterait progressivement. La proposition du Japon prévoit un prix de 56-73$/tCO2 en 2025, qui augmenterait à 136-176$/tCO2 en 2030 57. Par ailleurs, le ZESIS prévoit de revoir à la hausse le prix de la taxe tous les 5 ans. Cependant, ce système ne vise qu’à combler l’écart de prix entre les carburants, et ne fournirait des incitations économiques qu’aux « premiers arrivés », principalement, soit aux compagnies maritimes et États les plus développés, creusant de nouveau les inégalités. Pour conclure, la Coalition Getting to Zero estime que pour décarboner complètement le transport maritime d'ici 2050, le prix moyen du carbone devrait être d'environ 191$/tCO2 et atteindre un maximum d'environ 358$/tCO2 58.

         Par ailleurs, pour être efficace sur le plan environnemental, la MBM doit couvrir les émissions de GES tout au long du cycle de vie, et pas seulement les émissions de CO2 liées au navire. Cependant, la plupart des MBM proposées à l’OMI ne devraient couvrir que les émissions de CO2, selon une approche Tank-to-Wake 59. Autrement dit, seules les émissions de CO2 émises à partir du navire seraient prises en compte. Ne pas prendre en compte l’entièreté des émissions de GES va à l’encontre des nouveaux niveaux d’ambitions de la Stratégie Révisée 2023, qui concernent explicitement les émissions de GES. Ne prendre en compte que les émissions de CO2 revient à nier l’existence des autres gaz composant les GES, tels que le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O) ou encore les gaz fluorés (exemple : hexafluorure de soufre (SF6), trifluorure d’azote (NF3)). Sur le moyen et long-terme, cela risquerait d’entraîner un transfert de pollution et un transfert modal 60.

          De même, la dimension Tank-to-Wake suppose de ne pas prendre en compte l’entièreté du cycle de vie du carburant : la production et la livraison du carburant ne seraient pas comptabilisées. Seules les émissions produites au moment de l’utilisation du carburant seraient prises en compte. On ne peut être que déçu de cette option, qui va à l’encontre des récentes discussions au sein du MEPC 80. En effet, la Stratégie Révisée 2023 indique de manière explicite sa volonté d’utiliser l’approche Well-to-Wake pour le calcul des émissions de GES 61. Le contraire peut poser problème si une compagnie utilise un carburant qui n’émet pas d’émissions lors de son utilisation, mais qui en émet fortement lors de la production. Certaines propositions, dont la Taxe sur les GES proposée par les Îles Marshall et Solomon 62, auraient une dimension Well-to-Wake. De plus, la mesure économique complèterait la mesure d’intensité du carburant, le Global Fuel Standard (GFS) proposé par l’Autriche 63, qui a également une dimension Well-to-Wake.

     Ces différents critères environnementaux permettent ainsi de déterminer les MBM les plus efficaces sur le plan environnemental, mais aussi d’élaborer des évaluations d’impacts pertinentes qui permettront de déterminer les différents impacts disproportionnés d’une telle mesure.

2. Les évaluations d'impacts disproportionnés, étape nécessaire pour l'adoption des mesures basées sur le marché

         Lors du MEPC 57 (avril 2008), le Groupe sur la réduction des émissions de GES s’est prononcé sur des critères établissant une liste de lecture pour les différentes mesures proposées au sein de l’OMI. Les MBMs doivent les respecter. Ainsi, les MBMs doivent :

  • Être efficaces pour réduire les émissions de GES ;

  • Avoir une couverture globale et ne pas faire l’objet d’exemptions pour éviter les fraudes ;

  • Être rentables ;

  • Minimiser les distorsions de concurrence ;

  • Être basées sur le développement environnemental durable sans pénaliser le commerce et la croissance mondiaux ;

  • Être fondées sur une approche basée sur des objectifs et ne pas prescrire de méthodes spécifiques ;

  • Soutenir la promotion et la facilitation de l’innovation technique et de la recherche et développement (R&D) dans l’ensemble du secteur du transport maritime ;

  • S’adapter aux technologies de pointe dans le domaine de l’efficacité énergétique ;

  • Être pratiques, transparentes, sans fraude et faciles à administrer 64.

Ces différents critères permettent d’établir la ligne directrice d’une mesure éditée par l’OMI. On peut observer que le MEPC 80 y fait une référence dans son rapport sur les mesures à moyen-terme 65. Ils sont utilisés par le MEPC pour effectuer ses études d’impacts sur les mesures économiques, comme en témoigne l’étude d’impact sur les MBMs réalisée lors du MEPC 61 66. De plus, une procédure révisée d’évaluation des impacts sur les États des mesures candidates a été éditée en février 2023. Cette procédure révisée identifie des étapes, spécifie ce qui devrait y être inclus et les rôles respectifs du promoteur d’une MBM et du MEPC, sans préjuger de la substance de toute évaluation d’impact future 67. Elle précise que la durée de la procédure peut​ varier d’une à quatre réunions avant une approbation par le MEPC 68. Le Comité précise alors que l’évaluation d’impact doit être simple, inclusive, transparente, flexible, fondée sur des données probantes et spécifiques à la MBM 69. De même, il précise que l’exhaustivité de toute évaluation d’impact devrait être proportionnelle à la complexité et à la nature de la mesure proposée 70. Enfin, cette procédure révisée établit les différents impacts à prendre en compte lors de l’évaluation : l’éloignement géographique et la connectivité aux principaux marchés ; la valeur et le type de cargaison ; la dépendance du transport ; les coûts de transport ; la sécurité alimentaire ; la réponse aux catastrophes ; la rentabilité ; le progrès et le développement socioéconomiques. L’étude d’impact doit ainsi indiquer à la fois les impacts potentiels positifs et négatifs et leur étendue, et déterminer si la MBM peut engendrer des impacts négatifs disproportionnés 71.

        Une MBM va avoir des impacts sur l’environnement, notamment un impact sur le choix des nouveaux carburants. C’est l’un de ses principaux objectifs. Il faut veiller à ce que le cadre réglementaire soit stable pour ne pas bloquer les actifs. Cela signifie que les MBMs doivent servir à promouvoir l’innovation technologique, particulièrement dans le domaine de la production de carburants alternatifs. Si le champ n’est pas assez bien défini, des investissements hâtifs dans des carburants n’ayant pas subi assez d’évaluation pourraient avoir un impact négatif dans la transition vers la décarbonation. L’investissement dans le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) est un bon exemple. Il permettrait de réduire de 20-25% des émissions. Toutefois, lors du processus de combustion du moteur, une partie du carburant, le méthane n'est pas brûlée et s'échappe dans l'atmosphère. Même si le méthane dure moins longtemps dans l'atmosphère que le CO2, son impact en tant que GES est 80 fois plus important sur une période de 20 ans 72. Malheureusement, les constructeurs commencent tout juste à mesurer ce phénomène. À ce titre, on peut noter que le troisième plus grand armateur mondial, la CMA-CGM, a investi dans 9 navires de 23 000 Équivalents Vingt-Pieds (EVP) en 2017 afin d’obtenir la plus grande flotte fonctionnant au GNL d’ici 2022 73.

        Concernant les impacts économiques, ils se traduisent principalement par une augmentation des coûts de transport et des coûts d’infrastructures navals et portuaires. Les évaluations initiales des propositions de MBMs 74 indiquent qu’un prix du CO2 qui se situe entre 50-300$/tCO2 vers 2050 engendrerait une augmentation des coûts de transport de 50-90% d'ici 2050 75. Attention toutefois, ces prix dépendent des coûts de réduction et de l'écart de prix futur entre les combustibles fossiles et les carburants à faible et zéro émission. Une augmentation de 10 % des coûts de transport réduirait les volumes commerciaux de 20% 76. Par conséquent, des coûts de transport plus élevés peuvent avoir un impact négatif sur la croissance économique d’un État. Ils réduisent les revenus tirés de l'exportation de biens et augmentent les prix des biens importés. Cela peut produire des impacts négatifs disproportionnés sur les États qui sont dépendants du transport maritime, tels que les Petits États Insulaires en Développement (PEID) En 2022, la part des exportations mondiales de marchandises et des importations chez les Pays les Moins Avancés (PMA) était de 1,38% et 1,12%, et pour les PEID à hauteur de 2,5% pour les exportations et 2,5% pour les importations 77. Ces faibles volumes commerciaux entraînent des coûts de transport maritime plus élevés, qui, à leur tour, entravent davantage le commerce. Ces États qui paient des coûts de transport plus élevés vont être plus susceptibles d'allouer une plus petite part de leur production au commerce. Ils attireront moins d’investissements étrangers axés sur l'exportation 78. Autrement dit, l’augmentation des coûts de transport risque de creuser les inégalités entre les États développés et les PVD. Pour tenter au mieux de réduire les inégalités entre les États, il est impératif de prendre en compte ces difficultés, et de mettre en place des mesures d’atténuation 79.

         Cette augmentation des coûts de transport génère d’autres impacts. Elle peut nuire aux bénéfices environnementaux de la mesure. On peut alors citer le risque d’un transfert de pollution, à travers le transfert modal. En effet, cet augmentation des coûts de transport peut inciter, de façon négative, certains acteurs à changer leur mode de transport de marchandise, pour privilégier un transport moins sujet aux mesures économiques. Sur le moyen et long-terme, ce changement modal pourrait entraîner un transfert de pollution, et rendre les MBMs désuètes.

         Il faut donc souligner les impacts positifs d’une MBM tout en étant vigilant sur les impacts économiques négatifs. D’un point de vue environnemental, la mise en place d’une MBM va permettre de réduire les émissions de GES en entraînant des améliorations techniques et opérationnelles sur le court-terme, et en permettant l’innovation technologique avec le développement de carburants à faible et zéro émission. Cependant, il faut veiller à ce que cette transition vers la décarbonation soit juste et équitable, afin que les PEIDs, PMA et PVD bénéficient également de ces résultats climatiques.

        La maximisation des résultats climatiques passe par une transition juste et équitable. Une mesure économique est d’autant plus efficace si elle est acceptée par l’ensemble des États, notamment les PVD, PMA et PEIDs.

II. Les mesures basées sur le marché en tant que moyen permettant d'assurer une transition juste et équitable du transport maritime

       Une mesure économique a pour principal objectif de fournir des incitations économiques aux principaux acteurs du secteur maritime, afin de réduire les émissions de GES du transport maritime international. Une telle mesure ne peut être entièrement efficace sans suivre des considérations d’équité, afin de ne laisser personne derrière. Pour répondre à cet objectif d’assurer une transition juste et équitable, la MBM doit s’aligner sur les principes directeurs de la Stratégie Révisée 2023 (A), puis développer un cadre sur l’utilisation stratégique des revenus générés pour les intégrer (B).

A. L’alignement de la mesure basée sur le marché avec les principes directeurs de la stratégie révisée 2023 de l'Organisation Maritime Internationale

          Pour s’aligner avec les principes directeurs de l’OMI, la mesure basée sur le marché doit répondre à des principes dont la définition a fait l’objet d’un consensus entre les membres de l’OMI (1). Ensuite, il convient de déterminer l’opérationnalisation adéquate de ces principes avec les objectifs suivis par la mesure basée sur le marché : l’exemption ou l’utilisation stratégique des revenus (2).

1. Les principes directeurs reconnus par l'Organisation Maritime Internationale et les points d'importance à prendre en compte

       Le fait d’être un État enclavé, loin des centres économiques du monde ou d’être dépendant du transport maritime augmente les coûts de transport. C’est également le cas lorsque l’on fait face à de mauvaises infrastructures, de faibles volumes commerciaux ou des déséquilibres commerciaux 80. Ces facteurs concernent principalement les économies à faible revenu, notamment les PVD, ce qui explique pourquoi ces groupes d’États paient des coûts de transport plus élevés, augmentant les obstacles à leur participation au commerce international. Les impacts environnementaux qui en découlent le sont tout autant, ces groupes d’États étant les plus vulnérables face au réchauffement climatique.

         La mise en place d’une MBM risque d’accroître ce phénomène d’augmentation des coûts liés au transport maritime. En incitant les États à investir dans des carburants alternatifs, indirectement les MBMs incitent les États à modifier leurs infrastructures portuaires et leur flotte. Entre autres, elles invitent à remettre en question tout un ordre bien établi. Pour les grandes puissances maritimes, ce coût devrait être supportable. Certaines ont déjà fait le premier pas. Toutefois, pour ces groupes d’États n’ayant pas les moyens adéquats, une MBM pourrait accentuer les écarts de développement et de compétitivité entre eux et les États développés, et limiter leur accès aux résultats climatiques souhaités. Ces groupes d’États sont alors plus susceptibles de subir des impacts négatifs disproportionnés 81 suite à la mise en œuvre d’une MBM.

          Pour pallier ces impacts négatifs disproportionnés et permettre une transition juste et équitable vers la décarbonation du transport maritime, la Stratégie Révisée 2023 dispose de garde-fous : des principes directeurs reconnus. Cela comprend le principe de la responsabilité commune mais différenciée, le principe de non-discrimination et le principe de la prise en compte des impacts des mesures sur les États 82. Ils sont issus des textes de référence de la Stratégie, à savoir la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), le Protocole de Kyoto et l’Accord de Paris. La prise en compte des impacts négatifs disproportionnés des MBMs sur les États, en particulier sur les PMA et PIED est importante. Les MBMs ayant un impact disproportionnellement négatif sur eux devront être écartées ou compensées afin de mettre tous les États sur un pied d’égalité. La Stratégie met en lumière cette nécessité de prendre en compte les besoins de ces groupes d’États, avec une attention particulière sur ces impacts négatifs disproportionnés qu’ils pourraient potentiellement subir 83. Un problème persiste, à savoir le fait que la notion d’impact négatif disproportionné ne soit pas définie par l’OMI. Il est alors difficile de caractériser la disproportionnalité d’un impact sur un État, et comment le traiter.

           De plus, le principe de responsabilité commune mais différenciée souligne la responsabilité commune de l’ensemble de la communauté internationale concernant le réchauffement climatique, mais reconnaît une participation différenciée des États dans la contribution et la capacité de participation à l’atténuation au réchauffement climatique. La Stratégie a adopté une approche dynamique de la différenciation concernant ce principe, issue de l’Accord de Paris. Elle ne reconnaît pas seulement une contribution différente au changement climatique des PMA et PEID par rapport aux États développés, mais aussi une contribution différente entre ces États. C’est ce que souligne la mention « à la lumière des différentes circonstances nationales » 84. Ce principe est la clé pour une application équitable des MBMs, afin que ces dernières prennent en compte les impacts potentiels sur les États qu’elles pourraient générer. Surtout, prendre en compte ces différences entre les États permettrait de parvenir plus facilement à un consensus au sein de l’OMI pour l’adoption d’une MBM comme mesure à moyen-terme. En lien avec le principe de non-discrimination, ce principe suggère une application uniforme de la MBM, et d’éviter tout type d’exonération.

2. L’exemption ou l'utilisation des revenus, l'opérationnalisation des principes directeurs pour répondre aux objectifs visés par la mesure basée sur le marché

          La mise en œuvre des principes d’équité peut s’avérer problématique dans l’application d’une MBM. En effet, si l’on prend en considération les différences entre les groupes d’États, l’application d’une MBM pose une question : devrait-elle être globale ou bien faire l’objet d’exemptions ? Il existe deux possibilités d’exemption dans le transport maritime : les exemptions basées sur le fret et les exemptions basées sur l’itinéraire. Une exemption basée sur le fret signifie que le prix du carbone n'est pas appliqué à certains types de fret jugés particulièrement importants pour les pays importateurs, tels que les produits médicaux, les produits alimentaires et les produits d'intervention en cas de catastrophe 85. En général, ce type d’exemption est écarté car leur mise en œuvre engendre des complexités administratives. En vertu d'une exemption basée sur l'itinéraire, les navires à destination ou en provenance d'un pays particulier sont exemptés, en tout ou en partie, d'être soumis à un prix du carbone 86. C’est souvent ce type d’exemption qui est choisie. L’exemption peut être totale ou partielle. En ce qui concerne une exemption partielle, cela pourrait prendre la forme soit d'un prix du carbone inférieur appliqué à l'ensemble de la route, soit du prix total du carbone appliqué exclusivement à une fraction des émissions rejetées sur cette route 87. Enfin, elles peuvent être temporaires ou permanentes. En lien avec la mise en place d’une MBM, l’exemption pourrait être une solution intéressante pour respecter les principes d’équité. Notamment, appliquer des exemptions basées sur l’itinéraire concernant les PVD leur permettrait de suivre à leur rythme la décarbonation du transport maritime. Toutefois, avec l’interprétation dynamique issue de l’Accord de Paris des groupes d’États, cela risque d’être compliqué à mettre en œuvre. Par exemple, si l’on veut exempter de façon temporaire les PVD au début de la mise en place d’une MBM, il faut bien prendre en compte le fait que la Chine est toujours considérée comme un PVD à l’heure actuelle. La Chine représente 15,07% des exportations et 11,90% des importations mondiales de marchandises en 2021 88. À titre de comparaison, la France, pays développé, ne représente que 2,62% des exportations et 3,16% des importations mondiales de marchandises en 2021 89. Par conséquent, une approche des exemptions selon une liste fixe de pays ne serait pas la meilleure solution concernant les MBMs. Appliquer des exemptions selon des critères établis préalablement pourrait être une approche plus intéressante. Par exemple, on pourrait exempter des États selon l’impact du prix du carbone sur le Produit Intérieur Brut (PIB) de l’État. À titre d’illustration, dans le secteur de l’aviation internationale, une approche hybride a été adoptée. Dans le cadre de la MBM adoptée par l’Organisation d’Aviation Civile Internationale (OACI), le système de compensation et de réduction du carbone pour l'aviation internationale (CORSIA), il existe deux catégories d'exemptions : une catégorie basée sur des critères liés à l'aviation, et une autre qui s'applique aux PEID, aux PMA et aux Pays en Développement Sans Littoral (PDSL), qui sont exemptés quelle que soit leur part de revenus en tonnes/km 90. L’OMI pourrait suivre cette approche de l’OACI.

        Cependant, mettre en place une exemption dans l’application d’une MBM est controversé. Le but d’une MBM est de fournir des incitations pour investir dans des innovations technologiques, afin d’atteindre le net-zéro en 2050. Une exemption saperait cet objectif. En effet, elle va « supprimer » cette incitation pour certains États ou industriels, et augmenterait donc les émissions de GES, puisqu’une partie de la flotte mondiale serait exemptée de la MBM. De plus, les exemptions peuvent donner aux propriétaires de navires la possibilité d'éviter de payer le prix de la MBM, ce qui réduit davantage le potentiel de réduction des émissions de GES des MBM. De même, avec ce système, le risque de fraude carbone est accru. Il suffirait aux propriétaires de navires de faire escale dans des ports se situant sur les itinéraires exemptés afin de ne pas payer le prix de la MBM. Enfin, les exemptions ne feraient qu’ajouter et renforcer les inégalités entre les États. Les États exemptés n’auraient pas d’incitation et seraient à la traine, utilisant toujours des vieux navires non-conformes sur les routes exemptées, tandis que les États touchés par le MBM vont être incités et se décarboner. Par conséquent, leur mise en place dans l’application d’une MBM ne semble pas être la solution adéquate pour assurer une transition juste et équitable. Au nom du respect des principes de responsabilité commune mais différenciée, de non-discrimination et de non-traitement plus favorable, il faut privilégier une application universelle de la mesure.

           Malgré une application universelle de la MBM qui pourrait dissuader les PVD à l’adopter, une solution peut faire l’objet d’un consensus et garantir une transition juste et équitable : l’utilisation stratégique des revenus générés par la MBM.

B. L’utilisation des revenus, le meilleur moyen pour répondre aux considérations d'équité et aux objectifs visés par la mesure basée sur le marché

        Pour répondre aux considérations d’équité et de résultats climatiques dans l’utilisation stratégique des revenus, il faut tout d’abord s’intéresser à ses bénéficiaires (1). De plus, il faut s’intéresser aux différentes utilisations stratégiques possibles, afin de répondre aux mieux aux objectifs climatiques et aux considérations d’équité (2).

1. La définition des bénéficiaires en tant qu'étape préalable indispensable pour répondre aux considérations d'équité

        L’utilisation stratégique des revenus d’une MBM ne réduirait pas les incitations à la décarbonation. Au contraire, elle renforcerait les incitations générées par le prix de la MBM. Elle pourrait aider à réduire les émissions de GES de façon plus rentable, et donc plus rapidement. Elle pourrait aider à remédier aux obstacles et aux défaillances du marché évoqués précédemment, en soutenant les investissements dans les carburants à faible et zéro émission, les infrastructures connexes et les nouveaux navires, renforçant ainsi les effets sur la décarbonation. Par ailleurs, en plus de la maximisation des résultats climatiques, une redistribution des revenus générés par la MBM permettrait d’assurer une transition juste et équitable de la décarbonation en s’alignant sur les principes directeurs de la Stratégie Révisée 2023.

          Les revenus générés par une MBM devraient-ils être reversés aux États, aux industries du secteur maritime ou au secteur privé plus largement ? Et s’il s’agit des États, quels États devraient être privilégiés dans l’attribution des revenus ? Ces questions ont fait l’objet de plusieurs études. En ce sens, la Banque Mondiale suppose trois types de bénéficiaires : les États, l’industrie maritime et le secteur privé plus largement. La soumission ISWG-GHG 12/3/16 (avril 2021) avait conclu que les gouvernements, soit les États, seraient les bénéficiaires à privilégier dans l’attribution des revenus afin de répondre aux considérations d’équité et de résultats climatiques 91. Au sein de la catégorie des États comme principaux bénéficiaires, le Groupe de Travail a élaboré une distinction, afin de prioriser certains États pour l’attribution des revenus. En ce sens, les PVD seraient les principaux bénéficiaires par rapport aux États développés, compte-tenu de leur forte exposition aux risques climatiques et leur faible capacité à y faire face, ainsi qu’à leur faible contribution historique au réchauffement climatique 92. Au sein des PVD, le document soumis à l’ISWG-GHG opère une nouvelle distinction, prenant en compte le cas particulier des PEID et des PMA. En effet, ces États ont des ressources humaines limitées et manquent d'expertise technique. De nombreux PEID et PMA sont confrontés à des difficultés en ce qui concerne l'accès, la génération et l'analyse des données climatiques 93. L’insuffisance des données représente un obstacle majeur à l'accès au financement climatique lorsqu'il est nécessaire de prouver la « justification climatique » des activités potentielles 94. Par conséquent, une part des revenus générée par une MBM pourrait être réservée aux PEID et PMA. Toutefois, malgré une affectation prioritaire des revenus envers les PVD, les discussions au sein du Groupe de Travail évoque aussi les États développés comme bénéficiaires secondaires. En effet, cela contribuerait à une décarbonation plus rapide du secteur. Par exemple, les revenus générés par une MBM pourraient soutenir la production, la distribution et le déploiement de carburants à faible et zéro émission dans ces États. Cela permettrait, comme évoqué précédemment, de réduire les écarts de prix entre ces carburants et les carburants fossiles traditionnels. Favoriser la disponibilité des carburants alternatifs à l’échelle mondiale permettra à l’ensemble du secteur maritime de se décarboner plus rapidement, notamment en raison de la nature indivisible du commerce maritime entre les États développés et les PVD 95. Cette distinction entre PVD et États développés répond à des considérations d’équité, mais aussi à des considérations climatiques.

          Les États semblent mieux adaptés pour être les bénéficiaires des revenus générés par une MBM que le secteur privé, car la relation entre une entreprise et un État est susceptible d'être floue. Cependant, le secteur privé y compris l’industrie maritime, pourrait être un bénéficiaire des revenus à titre subsidiaire. Dans la poursuite de l’objectif de maximiser les résultats climatiques, canaliser une partie des revenus vers le secteur privé pourrait être une solution, notamment en raison de la complémentarité entre le financement public et le financement privé. On peut observer cette complémentarité avec le programme « Horizon Europe », programme européen de financement dédié à la recherche et à l’innovation pour la période 2021-2027. En effet, les financements publics vont soutenir les financements privés en soutenant directement les entreprises associées au processus de décarbonation. De même, en réponse aux principes d’équité, l’affectation des revenus pourrait être ciblée envers les entreprises liées à des PVD. En outre, la production de carburants alternatifs offrirait, pour les PVD possédant d’importantes ressources d’énergies, une opportunité inédite d’affaire et de développement 96.

          À ce titre, dans les MBMs proposées à l’OMI, c’est le système de Taxe qui répondrait au mieux à cet intérêt d’utiliser de façon stratégique les revenus générés. En effet, selon Maersk, en moyenne la Taxe pourrait générer jusqu’à 500 milliards de dollars d’ici 2050 97. Elle répond à des considérations d’équité, ce qui explique le fait qu’elle soit proposée par des PVD, notamment les Îles Marshall et Solomon, contrairement au SEQE qui lui répond uniquement à un objectif de réduction des émissions de GES.

2. La définition de l'utilisation in/out-sector de l'utilisation des revenus, moyen stratégique de maximiser les résultats climatiques en plus des considérations d'équité

         Lors de l’ISWG-GHG 14 (février 2023) précédant le MEPC 80, la soumission 14//2/6 a rappelé que l’utilisation des revenus était la question la plus litigieuse à résoudre pour l'adoption de la Stratégie Révisée 2023. L’ISWG-GHG rappelait la décision du MEPC 65 d'abandonner les négociations précédentes sur cette question en 2013. Au final, aucun consensus n’a été trouvé sur la question des MBMs en général, si ce n’est qu’elle fait désormais partie des mesures à moyen-terme sur laquelle le MEPC doit se pencher plus sérieusement. Toutefois, cet exemple montre que l’utilisation des revenus potentiellement générés par une MBM est une question sujette au débat et aux interprétations diverses.

          Tout d’abord, il faut soulever le fait que seule la Taxe à proprement parler peut permettre une utilisation « souple » des revenus, contrairement aux prélèvements dont les revenus sont directement affectés selon un consensus trouvé lors de son adoption. À ce titre, la Taxe avec Remise proposée par le Japon reste un système de prélèvement, dont les revenus avérés seraient reversés aux États pour permettre une réduction de l’écart de prix entre les carburants fossiles traditionnels et les futurs carburants à faible et zéro émission. Par conséquent, pour une utilisation stratégique des revenus le système de Taxe est à privilégier, malgré un consensus croissant sur le système de prélèvement qui serait un mécanisme plus facile à administrer. La génération de revenus n’est pas l’objectif principal d’une MBM, mais est en quelque sorte un « sous-produit ». Autrement dit, la MBM choisie ne doit pas l’être pour sa génération de revenus, mais pour son efficacité en matière de réduction des émissions GES. C’est un débat encore très actuel. Toutefois, l’utilisation des revenus peut permettre de maximiser les résultats climatiques, que ce soit dans le secteur maritime, mais aussi hors-secteur maritime.

       Sept principales utilisations des revenus sont envisagées par la Banque Mondiale : la décarbonation du transport maritime, l’amélioration de l'infrastructure et de la capacité du transport maritime, le financement d’objectifs climatiques plus larges, le financement des objectifs de développement plus larges, le financement du budget fiscal général, le financement des coûts administratifs et d'application de la loi et la mise en œuvre d'un système de rémunération neutre en termes de
revenus
98. Ces différentes utilisations sont divisées en deux catégories : l'utilisation dans le secteur et l'utilisation hors secteur. L’utilisation dans le secteur comprend la décarbonation du transport maritime, l’amélioration de l'infrastructure et de la capacité du transport maritime et la mise en œuvre d'un système de rémunération neutre en termes de revenus. Autrement dit, les infrastructures liées aux ports sont considérées comme étant dans le secteur maritime. L’utilisation hors secteur comprend, quant à elle, le financement d’objectifs climatiques plus larges, le financement des objectifs de développement plus larges et le financement du budget fiscal général. À noter que selon la Banque Mondiale, la couverture des coûts administratifs et d'application de la loi ne relève d'aucune des deux catégories 99.

          L’analyse de la Banque Mondiale sur l’utilisation des revenus s’appuie sur leur conformité avec les principes directeur de la Stratégie. Ainsi, sur ces sept options d’utilisation, trois sont identifiées comme les plus conformes aux principes directeurs : la décarbonation du transport maritime et l’amélioration de l'infrastructure et de la capacité du transport maritime, qui entrent dans la catégorie « dans le secteur », puis le financement d’objectifs climatiques plus larges, qui entre dans la catégorie « hors secteur » 100. Dans les deux premières options, cela pourrait se traduire par l’investissement dans des carburants à faible et zéro émission, dans la recherche et développement ou dans le renforcement des capacités 101. Pour la troisième option, cela se traduirait par des mesures d’atténuation du changement climatique, avec la production, le stockage et la distribution d'énergie renouvelable 102.

        Cependant, si l'objectif de l'utilisation des revenus d’une MBM est de permettre la maximisation des résultats climatiques, les avantages climatiques potentiels obtenus « dans le secteur » doivent être mis en balance avec les avantages climatiques perdus « hors-secteur » 103. En effet, l'utilisation des revenus uniquement dans le secteur peut ne pas produire les avantages climatiques les plus élevés possibles, car il est peu probable que toutes les opportunités de dépenses se concentrent dans le secteur. Plus de résultats en matière d'atténuation et d'adaptation au changement climatique seraient obtenus si une part des revenus était utilisée au-delà du transport maritime. De plus, l’utilisation uniquement dans le secteur pourrait creuser de nouveau les inégalités entre les États. Ce sont principalement les États développés qui détiennent les opportunités dans le secteur, puisqu’ils ont déjà des financements et des infrastructures en place. Ce n’est pas le cas pour tous les PVD, notamment les PEID et les PMA. En effet, ces États ont une faible capacité de construction navale et beaucoup ont peu ou pas assez d’infrastructures ou de finance pour fournir des carburants à faible et zéro émission. Par conséquent, si l’affectation des revenus ne s’effectue que dans le secteur, ces États pourraient ne pas être éligibles aux revenus, malgré une participation universelle 104. Toutefois, ce propos est à nuancer. En effet, la production de carburants alternatifs offrirait tout de même pour les PVD possédant d’importantes ressources en énergies solaire et vélique, une opportunité inédite d’affaire et de développement 105, notamment dans la production de l’hydrogène vert par exemple.

        Enfin, l’utilisation stratégique des revenus soulève une autre question, celle de leur gestion. En effet, qui serait responsable de la gestion des revenus générés par une MBM ? Pour certaines études, si l’affectation des revenus se concentre dans le secteur, alors l’OMI, par le biais d’un nouveau Fonds, pourrait être légitime pour en assurer la gestion. L’OMI a expérimenté déjà la gestion de fonds, avec le Fonds Fiduciaire Multidonateurs (GHG TC-Trust Fund). Le GHG TC-Trust Fund vise à apporter un soutien financier aux activités relatives à la mise en œuvre de la Stratégie, notamment auprès des PVD. Selon la Banque Mondiale, pour une utilisation dans le secteur des revenus, la création d’un nouveau fonds octroierait des avantages plus élevés pour répondre aux besoins sectoriels qui nécessitent souvent une expertise maritime spéciale 106. De plus, si l’on étend l’affectation des revenus hors-secteur, l'utilisation d'un fonds existant semble être la meilleure option, notamment grâce aux synergies potentielles offertes par les fonds existants 107. L’utilisation d’un fonds serait utile si le mécanisme de Taxe était choisi car c’est un système de taxation active qui nécessite une redistribution par un fonds. Au contraire, un système de prélèvement avec remise, tel que proposé par le Japon, repose sur un système de taxation passif. Autrement dit, un fonds ne serait pas nécessaire puisque les revenus seraient directement affectés aux bénéficiaires. Pour beaucoup, ce mécanisme de prélèvement est la meilleure option, puisqu’elle nécessite moins de frais administratif et moins de gestion. Toutefois, elle risque de creuser les inégalités existantes.

      En conclusion, contrairement à d'autres mesures à moyen-terme, les MBM axées sur la génération de revenus sont attrayantes parce qu'elles peuvent permettre un ensemble d'actions supplémentaires grâce aux revenus collectés. La crise climatique a tiré la sonnette d’alarme, et le transport maritime international doit être un pionnier en matière de décarbonation.

          Le secteur du transport maritime doit s’harmoniser en matière de MBM. Aujourd’hui on compte de nombreuses MBM au niveau régional et national ne touchant majoritairement pas au transport maritime, ou bien uniquement le transport maritime intérieur. Toutefois, sur le plan régional, l’UE s’est illustrée en intégrant le transport maritime dans son SEQE 108. Il en résulte une superposition entre le système régional de l’UE sur la réduction des émissions de GES du secteur maritime, et celui posé au niveau international par l’OMI dans le secteur du maritime 109. De même, le Congrès américain a présenté deux projets de loi similaires en juin 2023 : le « Clean Shipping Act of 2023 » 110 et le « International Maritime Pollution Accountability Act of 2023 » 111. Ces nouvelles réglementations permettraient à l’Agence de Protection de l’Environnement Américaine d’établir et d’appliquer des normes d'intensité carbone aux carburants des navires en destination ou en provenance d’un port américain, ainsi qu’une taxe sur les émissions. C’est une réglementation qui rejoindrait celle posée au niveau européen avec le SEQE. Ainsi, il y a un risque de chevauchement concernant les divers instruments économiques proposés, et certains membres de l’OMI ont déjà montré leur inquiétude sur le sujet : « C'est dans ce contexte que les négociations internationales sur le changement climatique, notamment le protocole de Kyoto, ont déjà reconnu que les émissions du transport maritime international ne peuvent pas être attribuées à une économie nationale particulière, ni être traitées par des nations agissant de manière singulière. La Conférence des Parties (COP) avec ses décisions 4/CP.1, 18/CP.5, article 2.2 du Protocole de Kyoto, ainsi que l'Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA) avec un certain nombre de décisions ont reconnu le rôle important de l'OACI et de l'OMI dans la limitation et la réduction des émissions de GES provenant du carburant utilisé pour l'aviation internationale et le transport maritime, respectivement » 112.

         Toutefois, ces différentes réglementations qui commencent à éclore sur les plans régionaux et nationaux ne visent pas à créer un chevauchement des réglementations, mais bien à accompagner l’impulsion lancée par l’OMI en matière de décarbonation. L’OMI doit marquer son ambition et respecter ses engagements adoptés lors de la Stratégie Révisée 2023 en adoptant une MBM dans les plus brefs délais.

Partie 1

  1. DUARTE M., « Mafalda Duarte: le financement public de l’action climatique stimule le changement », Entretient, “If we don’t make changes in an inclusive way, we are not going to succeed, because people will not support transition if they are being left behind”, Site Internet des Nations Unies, Juin 2021.

  2. DUARTE M., « Mafalda Duarte: le financement public de l’action climatique stimule le changement », Entretient, “If we don’t make changes in an inclusive way, we are not going to succeed, because people will not support transition if they are being left behind”, Site Internet des Nations Unies, Juin 2021 – Le montant des investissements nécessaires en matière d’infrastructures pour le climat d’ici 2030 s’élève à 90 000 milliards d’euros.

  3. IMO, Resolution A.963(23), IMO policies and practices related to the reduction of greenhouse gas emissions from ships, point 2 (a)(b)(c), 5 décembre 2003.

  4. IMO, Market-Based Measures, IMO Official Website.

  5. IMO, Resolution MEPC.203(62), Inclusion of regulations on energy efficiency for ships in MARPOL Annex VI, 15 juillet 2011

  6. IMO, Resolution MEPC.203(62), Inclusion of regulations on energy efficiency for ships in MARPOL Annex VI, 15 juillet 2011

  7. Date d’entrée en vigueur de l’EEXI : 1er janvier 2023 - 2021 Revised MARPOL Annex VI.

  8. BANQUE MONDIALE, Carbon revenues from international shipping : enabling an effective and equitable energy transition, Encadré n°1 : Mesures à moyen terme qui n’augmentent pas les recettes, technical paper, 2022.

  9. Ibid

  10. IMO, Initial IMO strategy on reduction of GHG emissions from ships, 13 avril 2018

  11. IMO, MEPC 80/WP.12, Annex 1, Page 1, 2023 IMO strategy on reduction of GHG emissions from ships, 07 juillet 2023

  12. IMO, MEPC 80/ WP. 12, 2023 IMO Strategy On Reduction Of GHG Emissions From Ships, Indicatives checkpoints, points 3.4.1 et 3.4.2, 07 juillet 2023.

  13. IMO, GHG-EW3/INF.2, Comparative analysis of candidate mid-term measures, Fact sheet, Emission Cap-and-Trade System

  14. IMO, GHG-EW3/INF.10, Comparative analysis of candidate mid-term measures, Fact sheet, Universal Mandatory Greenhouse Gas Levy.

  15. IMO, GHG-EW3/INF.5, Comparative analysis of candidate mid-term measures, Fact sheet, The feebate mechanism, or ZeroEmission Shipping Incentive Scheme (ZESIS).

  16. TRAITE SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPEENE, Article 4.2 alinéas e), g), i), Lisbonne, 2008.

  17. CNUDM, article 211 « Pollution par les navires », alinéa 2, Montego Bay, 10 décembre 1982.

  18. Pour voir plus de développements sur l’influence de l’UE sur l’action de l’OMI en matière de décarbonation, voir GARNIER R., CDMO, « La révision de la Stratégie Initiale de l’Organisation Maritime Internationale en matière de réduction des Gaz à Effet de Serre provenant des navires », article., Juillet 2023.

  19. DIRECTIVE (UE) 2023/959 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL & REGLEMENT (UE) 2023/857 DU PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL du 19 avril 2023.

  20. DIRECTIVE (UE) 2023/959 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union, article Premier – article 3 octies ter, 10 mai 2023

  21. CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE, « Paquet « Ajustement à l'objectif 55 » » : réforme du système d'échange de quotas d'émission de l'UE », Infographie, Secrétariat Général, 2022.

  22. O’LEARY A., BROWN J., « The legal bases for IMO climate measures », Sabin Center for Climate Change, Law Columbia Law School, Article, Juin 2018.

  23. IMO, Convention on the International Maritime Organization, Part II Functions, p. 5, 1948

  24. IMO, Convention on the International Maritime Organization, Part II Functions, (d), p. 5, 1948 : « (d) Perform functions arising in connexion with paragraphs (a), (b) and (c) of the Article, in particular those assigned to it by or under international instruments relating to maritime matters and the effect of shipping on the marine environment ».

  25. CNUDM, article 211 « Pollution par les navires », alinéa 1, Montego Bay, 10 décembre 1982

  26. PROTOCOLE DE KYOTO A LA CONVENTION-CADRE DES NATIONS UNIES SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES, Article 2, Point 2, 1997.

  27. NATIONS UNIES, Accord de Paris, article 6, 12 décembre 2015.

  28. IMO, Fourth Greenhouse Gas Study, Foreword by the Secretary-General, Mr. Kitack Lim, paragraph 3., 2020.

  29. Ibid

  30. IMO, Fourth Greenhouse Gas Study, Highlights, Emissions Inventory, Paragraph 1, p. 1., 2020.

  31. IMO, Fourth Greenhouse Gas Study, Foreword by the Secretary-General, Mr. Kitack Lim, paragraph 5., 2020

  32. DNV, Maritime Forecast to 2050, B.3 seaborne-trade demand, Table b.4, seaborne-trade demand growth assumptions for the low- and high-growth scenarios, p. 100., 2020.

  33. IMO, MEPC 80/ WP. 12, 2023 IMO Strategy on Reduction of GHG Emissions from Ships, point 3.3.4, 07 Juillet 2023.

  34. DNV, Maritime Forecast to 2050, 2.3 The need for standards to support decision-making and funding, p.28, Energy Transition Outlook, 2022

  35. DNV, Maritime Forecast to 2050, Section 5.6 Investments needs, p.70, Energy Transition Outlook, 2022.

  36. Ibid

  37. OCDE, Recommandation n° C(72)128 du Conseil sur les Principes directeurs relatifs aux aspects économiques des politiques de l'environnement sur le plan international, du 26 mai 1972.

  38. MAERSK, Options Paper On MBM, p. 12, Novembre 2021.

  39. WORLD BANK, DOMINIONI, G.; ENGLERT, D.; SALGMANN, R.; AND BROWN, J. 2022. Carbon Revenues from International Shipping: Enabling an Effective and Equitable Energy Transition – Summary for Policymakers, 3: The unique revenue-raising potential of market-based measures, point 12., p. 12., 18 avril 2022.

  40. Ibid

  41. Voir développements dans la Partie II sur l’utilisation des revenus des MBMs.

  42. IMO, MEPC 80/ WP. 12, 2023 IMO Strategy On Reduction Of GHG Emissions From Ships, Indicatives checkpoints, points 3.4.1 et 3.4.2, 07 juillet 2023.

  43. Voir les développements Partie II

  44. MAERSK MC-KINNEY MÆLLER CENTER, Options Paper on Market-Based Measures, Setting the context: Enabling a fair, equitable transition and closing the fuel cost gap are key in designing a carbon levy, Point A : Leveling the fuels playing field to advance decarbonization., p. 12., article, novembre 2021.

  45. MAERSK MC-KINNEY MÆLLER CENTER, Options Paper on Market-Based Measures, Carbon levy deep-dive: Our approach and assumptions, p. 12, article, novembre 2021

  46. Ibid

  47. MAERSK MC-KINNEY MÆLLER CENTER, Options Paper on Market-Based Measures, Option I : A flat carbon levy – This must be priced fairly high, in order to deliver net zero in 2050, p. 16, article, novembre 2021

  48. Ibid

  49. Par exemple : PSARAFTIS H., ZIS T., LAGOUVARDOU S., A comparative evaluation on market-based measures for shipping decarbonization, Tableau 1. « Price levels of levy », Article, Maritime Transport Research, Volume 2, n°100019, 2021

  50. MAERSK MC-KINNEY MÆLLER CENTER, Options Paper on Market-Based Measures, Option II : A flexible levy with an earmark and return applied on part of the revenues delivers net zero by 2050 at a lower price, p. 19, article, novembre 2021

  51. IMO, MEPC 76/7/12, Proposal for IMO to establish a universal mandatory greenhouse gas levy, Proposition, 10 mars 2021.

  52. IMO, GHG-EW 3/INF.2, Emission Cap-and-Trade System (ECTS), Comparative analysis of candidate mid-term measures, 2.1.1 Levels of GHG reduction with associated timeframe, Fiche d’information, 18 mai 2023.

  53. PSARAFTIS H., ZIS T., LAGOUVARDOU S., A comparative evaluation on market-based measures for shipping decarbonization, 3.2. GHG reduction effectiveness, Article, Maritime Transport Research, Volume 2, n°100019, 2021

  54. Cette question sera abordée dans la Partie II.

  55. IMO, ISWG-GHG 12/3/17, Proposal on Market-based Measures (MBMs) to incentivize GHG emission reduction and to make equitable transition with an overview of mid- and long-term measures, 1er avril 2022.

  56. INTERNATIONAL TRANSPORT FORUM, Carbon Pricing in Shipping, Proposals for carbon pricing in shipping, Carbon pricing proposals at the International Maritime Organization, Carbon pricing mechanisms, p. 30., Décembre 2022.

  57. IMO, ISWG-GHG 12/3/17, Proposal on Market-based Measures (MBMs) to incentivize GHG emission reduction and to make equitable transition with an overview of mid- and long-term measures, Preliminary analysis on levy rate, Figure 3: Preliminary analysis on levy rate (carbon price) to provide incentives by rebate,
    1er avril 2022.

  58. UMAS, BARESIC D., ROJON I., SHAW A., REHMATULLA N., Closing the Gap: An Overview of the Policy Options to Close the Competitiveness Gap and Enable an Equitable Zero-Emission Fuel Transition in Shipping, 2. Economic Instruments, 2.2 Possible Level of the Carbon Price, p. 36, Rapport, Londres, Janvier 2022.

  59. INTERNATIONAL TRANSPORT FORUM, Carbon Pricing in Shipping, Proposals for carbon pricing in shipping, Carbon pricing proposals at the International Maritime Organization, Types of emissions covered in the proposals to the International Maritime Organization, p. 33, Rapport/ Tableau, Décembre 2022.

  60. Développements dans la Partie II.

  61. IMO, MEPC 80/WP.12, 2023 IMO strategy on reduction of GHG emissions from ships, Basket of candidate mid-term GHG reduction measures, point 4.7, 07 juillet 2023

  62. IMO, GHG-EW 3/INF.10, Universal Mandatory Greenhouse Gas Levy, Comparative analysis of candidate mid-term measures, 1.1.2 Phases of GHG emissions covered, p. 2, Fiche d’information, 23 mai 2023.

  63. IMO, GHG-EW 3/INF.6, Simplified Global GHG Fuel Standard (GFS), Comparative analysis of candidate mid-term measures, 1.1.2 Phases of GHG emissions covered, p. 2, Fiche d’information, 18 mai 2023.

  64. 4 IMO, MEPC 57/WP. 8, Report of the Working Group on GHG Emissions from Ships, 2. Terms of reference, points 2.1 (.1,.2,.3,.4,.5,.6,.7,.8,.9), Rapport, 3 avril 2008.

  65. IMO, MEPC 80/INF.39/Add.1., Report of the ad-hoc Expert Workshop on comparative analysis of candidate mid-term GHG reduction emissions from ships, GHG Pathways and future impact assessment, Rapport, p. 52., 6 juin 2023.

  66. IMO, MEPC 61/INF.2, Full report of the work undertaken by the Expert Group on Feasibility Study and Impact Assessment of possible Market-based Measures, Secretariat, 1. Executive Summary, Points 1.2.(1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9), Rapport, 13 août 2010.

  67. IMO, MEPC.1/Circ.885/Rev.1, Revised procedure for assessing impacts on States of candidate measures, Background and objectives, point. 2., Annex 1, p. 1.,
    7 février 2023.

  68. IMO, MEPC.1/Circ.885/Rev.1, Revised procedure for assessing impacts on States of candidate measures, Background and objectives, point. 3., Annex 1, p. 1.,
    7 février 2023.

  69. IMO, MEPC.1/Circ.885/Rev.1, Revised procedure for assessing impacts on States of candidate measures, Procedure, point 5., Annex 1., p. 1., 7 février 2023.

  70. Ibid

  71. IMO, MEPC.1/Circ.885/Rev.1, Revised procedure for assessing impacts on States of candidate measures, Step 1: initial impact assessment, Point 8., Annex 1, p. 2., 7 février 2023.

  72. ISEMAR, VALERO C., Décarbonation du maritime, quelles avancées ?, Note de synthèse, mai 2023.

  73. CMA CGM, Première mondiale : mise à l’eau du plus grand porte-conteneurs au monde propulsé au gaz naturel liquéfié et futur navire amiral du Groupe CMA CGM, note d’information, Site officiel de la CMA CGM, septembre 2019.

  74. IMO, ISWG-GHG 12/3/14, Initial impact assessment of the emission cap-and-trade proposal, rapport, 1er avril 2022 – IMO, ISWG-GHG 12/3/17, Proposal on Market-based Measures (MBMs) to incentivize GHG emission reduction and to make equitable transition with an overview of mid- and long-term measures, 1er avril 2022.

  75. DNV, Maritime Forecast to 2050 – Energy Transition Outlook 2022, 2.1 Regulatory developments, p. 25, 2022.

  76. ROJON I., LAZAROU N-J., REHMATULLA N., SMITH T., The impacts of carbon pricing on maritime transport costs and their implications for developing economies, Marine Policy, Volume 132, n°104653, octobre 2021.

  77. UNCTADStat, Merchandise : Total trade and share, annual, 2022.

  78. ROJON I., LAZAROU N-J., REHMATULLA N., SMITH T., The impacts of carbon pricing on maritime transport costs and their implications for developing economies, Marine Policy, Volume 132, n°104653, octobre 2021.

  79. Développements dans la Partie II.

  80. ROJON I., LAZAROU N-J., REHMATULLA N., SMITH T., The impacts of carbon pricing on maritime transport costs and their implications for developing economies, Marine Policy, Volume 132, n°104653, octobre 2021.

  81. Ibid

  82. IMO, MEPC 80/WP12., 2023 IMO Strategy on Reduction of GHG Emissions from Ships, Guiding principles, 07 juillet 2023

  83. IMO, MEPC 80/WP12., 2023 IMO Strategy on Reduction of GHG Emissions from Ships, Guiding principles, Point 3.5.3., 7 juillet 2023.

  84. IMO, MEPC 80/WP.12., 2023 IMO Strategy on Reduction of GHG Emissions from Ships, Guiding principles, Point 3.5.1.2., 7 juillet 2023

  85. DOMINIONI G., Towards an equitable transition in the decarbonization of international maritime transport: Exemptions or carbon revenues ?, Marine Policy 154, n°105669, article, 2023.

  86. Ibid

  87. Ibid

  88. UNCTADStat, Profil Maritime : Chine, Parts du Pays dans le monde en 2021, Site internet officiel, 2022.

  89. UNCTADStat, Profil Maritime : France, Parts du Pays dans le monde en 2021, Site internet officiel, 2022

  90. ICAO, Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (CORSIA), Frequently Asked Questions, 18 avril 2023.

  91. IMO, ISWG-GHG 12/3/16, Carbon revenues from international shipping: enabling an effective and equitable energy transition, Who could be the recipients of carbon revenues from international shipping ?, Point 11, Soumission de la Banque Mondiale, 1er avril 2021.

  92. IMO, ISWG-GHG 14/3/3, Carbon revenues from international shipping : considerations for a possible distribution framework, The case for developing countries as primary recipients, Point 21, 3 février 2023.

  93. GREEN CLIMATE FUND - INDEPENDENT EVALUATION UNIT, Independent Evaluation of the Relevance and Effectiveness of the Green Climate Fund's Investments in The Least Developed Countries, Rapport Final, Volume I, Janvier 2022.

  94. IMO, ISWG-GHG 14/3/3, Carbon revenues from international shipping : considerations for a possible distribution framework, The special case for SIDS and LDCs as supported primary recipients, Point 23, 3 février 2023.

  95. IMO, ISWG-GHG 14/3/3, Carbon revenues from international shipping : considerations for a possible distribution framework, The case for developed countries as complementary recipients, point 25, 3 février 2023.

  96. BANQUE MONDIALE, « Charting a Course for Decarbonizing Maritime Transport », Article, Site The World Bank, 15 avril 2021.

  97. MAERSK MC-KINNEY MÆLLER CENTER, Options Paper on Market-Based Measures, Option II : A flexible levy with an earmark and return applied on part of the revenues delivers net zero by 2050 at a lower price, p. 19, article, novembre 2021

  98. WORLD BANK, DOMINIONI, G.; ENGLERT, D.; SALGMANN, R.; AND BROWN, J. 2022. Carbon Revenues from International Shipping: Enabling an Effective and Equitable Energy Transition – Summary for Policymakers, 4 : What could carbon revenues from international shipping be used for ?, Point 20, p. 10., 18 avril 2022.

  99. WORLD BANK, DOMINIONI, G.; ENGLERT, D.; SALGMANN, R.; AND BROWN, J. 2022. Carbon Revenues from International Shipping: Enabling an Effective and Equitable Energy Transition – Summary for Policymakers, 4 : What could carbon revenues from international shipping be used for ?, Point 20, p. 10., 18 avril 2022.

  100. IMO, ISWG-GHG 12/3/16, Carbon revenues from international shipping: enabling an effective and equitable energy transition, What could carbon revenues from international shipping be used for ?, Point 8, 1er avril 2021.

  101. IMO, ISWG-GHG 14/3/3, Carbon revenues from international shipping : considerations for a possible distribution framework, Table 1: Most aligned carbon revenue use options (based on document ISWG-GHG 12/3/16) and potential subcategories with illustrative examples, p. 4., 3 février 2023

  102. Ibid

  103. IMO, ISWG-GHG 14/3/3, Carbon revenues from international shipping : considerations for a possible distribution framework, Achieving maximum climate outcomes through maritime transport-related spending alone ?, point 9, p. 4., 3 février 2023.

  104. Développements en Partie I.

  105. BANQUE MONDIALE, « Charting a Course for Decarbonizing Maritime Transport », Article, Site The World Bank, 15 avril 2021

  106. WORLD BANK, DOMINIONI, G.; ENGLERT, D.; SALGMANN, R.; AND BROWN, J. 2022. Carbon Revenues from International Shipping: Enabling an Effective and Equitable Energy Transition – Summary for Policymakers, 6 : how could the adequate management of carbon revenues from international shipping be imagined ?, Point 40, p. 20., 18 avril 2022.

  107. Ibid

  108. DIRECTIVE (UE) 2023/959 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union, 10 mai 2023

  109. MAGDALENA ADAMOWICZ, « Decarbonization of maritime transport – European Union measures as an inspiration for global solutions? », Article, Marine Policy, Volume 145, n°105085, Novembre 2022.

  110. IAN TAYLOR, « Clean Shipping Act of 2023 Introduced », Article, Site Ship Energy, 9 juin 2023.

  111. SENATE OF THE UNITED STATES, 118th Congress, International Maritime Pollution Accountability Act of 2023, Bill (introduced), 06 août 2023.

  112. IMO, MEPC 77/7/8, Importance of developing GHG reduction measures for international shipping within a global regulatory framework, Introduction, « It is against this backdrop that the international climate change negotiations, inter alia the Kyoto Protocol, have already acknowledged that emissions from international shipping cannot be attributed to any particular national economy, nor can they be addressed by nations acting singularly. The Conference of Parties (COP) with its decisions 4/CP.1, 18/CP.5, Article 2.2 of the Kyoto Protocol, as well as the Subsidiary Body of Scientific and Technological Advice (SBSTA) with a number of decisions have recognized the important role of ICAO and IMO in limiting and reducing GHG emissions from fuel used for international aviation and maritime transport, respectively », Point 4, 16 septembre 2021.

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