Routes maritimes critiques : enjeux économiques, corridors de navigation et défis associés
Ecrit par Apité Sefande
10 Avril 2024
Les routes maritimes représentent les artères vitales du commerce mondial, permettant le transport de marchandises à travers les océans du monde. Leur importance économique et géopolitique est incontestable, façonnant les échanges commerciaux, l'économie mondiale et les relations entre les nations. L'économie mondiale est de plus en plus dépendante de la mer, avec la plupart des marchandises transportées par voie maritime. Ainsi, la liberté de circulation et la sécurité du transport maritime doivent être garanties. Cependant, certaines des routes maritimes les plus importantes sont soumises à des tensions géopolitiques, aux risques environnementaux et à des menaces telles que la piraterie et les cyberattaques.
Dans cet article, nous examinerons l'encadrement juridique des routes maritimes, les mesures prises par l'Union européenne pour assurer la sécurité maritime, ainsi que les limites de son action dans certains contextes.
I. L'importance des routes maritimes : encadrement juridique et défis associés
L'économique mondiale repose largement sur les routes maritimes qui jouent un rôle crucial dans le commerce international. La plupart des marchandises sont transportées par voie maritime, ce qui en fait un élément vital de la chaine d'approvisionnement mondiale. Les routes maritimes permettent de relier les grands pôles économiques du monde et facilitent les échanges entre les zones de production et de consommation. En cas d'interruption de ces routes critiques, l'économie mondiale risque de subir un effondrement, mettant en péril des millions d'emplois et des milliards de dollars de transactions commerciales mais aussi la communication ( le vaste réseau de câble sous marins installé dans la mer favorise la communication avec le partage des données numériques et du réseau internet 1 ). En outre, parmi les principaux corridors de navigation, on retrouve la Manche, le détroit de Malacca, le canal de Panama et le canal de Suez. Ces voies maritimes stratégiques relient différentes parties du globes et facilitent le commerce entre les continents. C'est dans cette veine d'idée que le détroit de Malacca est crucial pour le transit des marchandises entre l'Asie et l'Europe, tandis que le canal de Suez permet de relier la Méditerranée à la mer Rouge, raccourcissant les distances pour les navires venant d'Asie 2.
Néanmoins, les routes maritimes sont confrontées à de nombreux défiés et risques, notamment les tensions géopolitiques, les menaces de piraterie, les cyberattaques et les risques environnementaux. A titre illustratif, les revendications territoriales en mer de Chine méridionales ont entrainé des tensions entre les pays riverains, perturbant ainsi le trafic maritime dans cette région cruciale pour le commerce mondial 3. De plus, les progrès technologiques ont rendu les navires et les ports plus vulnérables aux cyberattaques, ce qui représente un nouveau défi pour la sécurité maritime.
Depuis les premières conventions internationales, telles que la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) de 1982, jusqu'aux accords plus récents tels que l'accord Marine Biodiversity of Areas Beyond National Juridiction (BBNJ), les efforts pour réglementer les routes critiques ont été continus. La CNUDM établit la gestion et des ressources marines tout en préservant les droits des Etats et des navires 4. De plus, des conventions telles que SOLAS, MARPOL, STCW, SAR et COLREG ont été adoptées pour assurer la sécurité et la sûreté maritime, ainsi que la prévention de la pollution et des abordages en mer 5.
II. L'Action de l'UE dans la gestion des routes critiques et ses limites
Au niveau de l'Europe, l'UE dispose d'instruments communs en matière de politique de sécurité et de défense, ainsi que de missions et d'opérations à l'étranger. Ceux-ci constituent la manifestation la plus visible de ses pouvoirs maritimes. Ainsi, le secteur maritime est très important pour les Etats membres de l'Union. Même si l'adoption rapide du droit de l'Union aux conventions internationales est nécessaire, d'autres mesures sont également adoptées au sein de l'Union européenne, notamment pour assurer la sécurité maritime 6.
L’adoption des paquets Erika suite aux naufrage de l’Erika et du Prestige a renforcé les normes de sécurité de l’Union s’agissant du transport maritime. Nous pouvons mentionner notamment Erika 2 du 2002 qui a permis l’amélioration des navires naviguant dans des zones à forte densité. Ceux-ci ont l’obligation de s’équiper de systèmes d’identification automatique.
Le Règlement 725/2004 7 a rendu obligatoire les parties A et B de l’ISPS. (La partie A de ce code est obligatoire tandis que la partie B contient des recommandations). Ce règlement a pour objet la mise en place des mesures communautaires pour améliorer la sûreté des navires et des installations portuaires face à “des menaces illicites intentionnelles”. Il assure également une application uniforme des décisions de l’OMI. Il y a également une directive no. 2005/65 8 qui est intervenue 1 an après. Dans le règlement, tous les navires à partir de 300 UMS sont concernés ainsi que les installations portuaires qui les accueillent.
Par ailleurs, il y a l’Agence Européenne pour la Sécurité Maritime (EMSA) qui a pour but d’améliorer la sécurité et la sûreté maritime, prévenir et répondre aux situations de pollution par son expertise technique. Elle a un rôle plutôt préventif. Par exemple, elle contrôle l’application et l’évaluation de certains actes législatifs. Elle a également des tâches réactives, telles que la mise à disposition des navires dépollueurs dans le cas de marée noire importante. De plus, elle est chargée de la détection de la pollution marine par satellite par le biais du CleanSeaNet. En outre, elle vérifie que l’inspection des navires faisant escale dans les ports de l’UE est correcte. Elle effectue également une évaluation de systèmes nationaux de contrôle du trafic.
En ce qui concerne les risques cybers, la directive européenne 2016/1148 Network Information Security (NIS) était le premier cadre européen ayant pour but de garantir un niveau “élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d’information dans l’UE”. Elle adresse des obligations aux Etats ainsi qu’aux opérateurs pour avoir une réponse unifiée aux menaces cyber. Une nouvelle directive NIS2 de 2022 9 prévoit la création des autorités nationales compétentes pour répondre aux incidents de sécurité informatique. D’ailleurs, les Etats membres doivent coopérer et échanger des informations concernant les risques. Cette nouvelle directive doit être transposée au plus tard fin 2024. Elle prévoit de lourdes amendes pour les entités, et même le retrait de l’autorisation d’exploitation dans le cas de non-conformité. D’ailleurs, il y a l’obligation de signaler des incidents dans les 24 heures.
En février 2024, un accord est intervenu entre le Parlement européen et le Conseil sur la modification de la directive 2005/35/CE 10. Les co législateurs ont décidé d’aligner cette directive sur la convention MARPOL, étendant son champ d’application à beaucoup d’autres substances polluantes déversées dans la mer telles que les ordures et les eaux usées. Il y a également une clarification des sanctions pour qu’elles soient plus efficaces et une prise en compte de la capacité financière des entités responsables avant l’imposition des sanctions par les Etats membres. D’ailleurs, il y aura un partage des informations suite aux infractions de pollution dans les eaux européennes. Par exemple, la surveillance par satellite de la pollution par les navires et la base de données CleanSeaNet seront améliorées. Cet accord doit être formellement adopté par le Parlement européen et le Conseil. Après publication au journal officiel de l’Union, les États membres disposent de 30 mois pour la transposition.
Toutefois, malgré ces initiatives, les routes maritimes critiques restent confrontées à des défis majeurs. Les tensions géopolitiques, comme les revendications territoriales en Mer de Chine méridionale, mettent en lumière les limites de l'action de l'Union européenne dans certains contextes. De plus, les risques environnementaux, tels que la pollution et le changement climatique, ainsi que les menaces de piraterie et les cyberattaques, représentent des défis supplémentaires pour la sécurité maritime.
En conclusion, les routes maritimes critiques jouent un rôle essentiel dans l'économie mondiale, mais elles sont confrontées à de nombreux défis et risques. Il est crucial pour les acteurs internationaux de coopérer afin de garantir la sécurité et la sûreté de ces voies de navigation vitales pour le commerce mondial.
Face à ces défis, il est crucial pour l'Union européenne de repenser sa stratégie pour répondre aux crises sur les routes maritimes. Cela pourrait impliquer une action préventive sur les foyers de crises, une coopération renforcée avec d'autres acteurs internationaux et une adaptation constante de la législation pour faire face aux nouvelles menaces. En fin de compte, garantir la sécurité et la sûreté des routes maritimes critiques est essentiel pour maintenir le commerce mondial et protéger l'environnement marin, et cela nécessite une action concertée à l'échelle internationale.
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