L’avenir des ports traditionnels face à l'émergence des ports intelligents
Par Aissatou Gueye
Introduction
Les ports jouent un rôle essentiel dans le transport maritime et le commerce international. Ils permettent aux différents acteurs du monde maritime d’interagir et de développer leurs activités que ce soit dans le domaine des transports, de l’industrie ou bien de la logistique. Étant créés par et pour l’homme, leur rythme d’évolution suit naturellement celui des activités humaines. A cet effet, l’accélération de la mondialisation et des innovations technologiques impacte sur les ports qui doivent suivre un environnement en constante évolution. L’avènement des ports intelligents illustre parfaitement l’ingéniosité humaine au service du secteur portuaire, et nous interpelle également à réfléchir sur l’avenir des ports traditionnels.
Alors que les ports intelligents se positionnent comme des solutions aux problèmes rencontrés par les ports traditionnels en intégrant les technologies modernes telles que l’Internet des objets (IoT),l’intelligence artificielle et le big data pour optimiser leurs opération, les ports traditionnels, eux, font face à des défis importants en raison d’infrastructures vieillissantes et de processus manuels.
Dans cet article, nous essayerons d’analyser ce qu’implique cette évolution technologique pour les ports traditionnel, et quelles sont les stratégies qu’ils peuvent adopter pour rester pertinents et compétitifs dans un secteur en permanent bouleversement.
1- Un état des lieux des ports traditionnels
Lorsque l’on parle d’infrastructures portuaires, automatiquement nous pensons à ces infrastructures souvent construites au XX siècle, et dont le fonctionnement repose exclusivement sur le travail manuel, avec parfois des systèmes informatiques désuets.
En effet, les ports traditionnels utilisent des systèmes isolés qui ne communiquent pas entre eux. Ce qui signifie que les informations dans ces types de ports ne circulent pas de manière fluide. Cela peut entraîner des retards et des erreurs dans la gestion des opérations.
De plus, les ports traditionnels dépendent encore du processus manuel pour la gestion des cargaisons, le suivi des conteneurs, et bien d’autres opérations logistiques et industrielles. Ce qui rend les opérations lentes et sujettes à des erreurs humaines.
Quelques exemples de retards de cargaisons dans les ports français :
- En 2020, le port de Marseille a connu des retards en raison de la pandémie de COVID-19. Les restrictions de voyages et les mesures sanitaires ont affecté le personnel disponible pour le chargement et le déchargement des navires, entraînant des retards dans la circulations des marchandises.
- En 2021, le port du Havre a été confronté à des retards dus à une congestion importante. Une augmentation du trafic maritime, combiné à des problèmes logistiques, a causé un temps d’attente prolongé pour les navires.
- En 2022, la grève des dockers du port de Nantes / Saint-Nazaire a entraîné des retards dans le traitement des cargaisons. Cette grève était liée à des négociations salariales, et a grandement impacté sur les opérations portuaires.
Ces problèmes montrent comment divers facteurs, y compris des cas imprévus et des problèmes de mains d’œuvre, peuvent affecter les activités portuaires et par ricochet impacter sur l’efficacité des activités du port en général. Cependant, tous ces problèmes cités plus haut, semblent être sur le point d’être solutionnés, notamment avec l’émergence des « Smart ports ».
2- L’émergence des Ports intelligents
Comme évoqués dans l’introduction, les Smart ports ont recours aux technologies numériques pour optimiser leurs opérations. Ils utilisent des dispositifs intelligents tels que l’internet des objet (IoT) combinés avec des capteurs, leur permettant de surveiller les installations et les cargaisons en temps réel. A cela s’ajoute leur recours au Big Data permettant une analyses de données massives, aidant ainsi à anticiper les besoins, améliorer la planification et réduire les coûts.
Évoquons un troisième élément qui est la Blockchain permettant aux smart ports de renforcer la traçabilité des transactions et d’améliorer la sécurité de leurs opérations. Dans les ports traditionnels, on constate l’inexistence ou la faible existence du blockchain ou encore du Big data, ce qui influence grandement sur la sécurité des données et la fluidité de l’information dans les services desdits ports.
Le monde maritime est assez complexe, de nombreuses parties prenantes sont impliquées dans chaque opération portuaire. Ce qui signifie donc une manipulation de données tant du côté documentaire qu’organisationnel. Si nous prenons l’exemple de l’Union européenne avec sa politique de libre circulation des travailleurs et des capitaux, plusieurs ports européens peuvent être appelés à s’échanger des données numériques. Le dispositif du Big Data devient ainsi un élément incontournable car, permet la mise en place d’une plateforme unifiée, empêchant que les données se trouvent dans des silos fragmentés et de ne pas être utilisées à bon escient. A cet effet, un projet Data Ports, porté par l’entreprise technologique indépendante ITI en Espagne, a été mis en œuvre afin de régler le problème complexe de la non connectivité des infrastructures existantes, ouvrant la voie de l’efficacité, de la collaboration et de la durabilité de la chaîne d’approvisionnement.
Du côté de la blockchain, elle joue un rôle crucial dans le secteur portuaire. Non seulement elle permet d’assurer la transparence, l’efficacité opérationnelle, la sécurité et la traçabilité des opérations commerciales, mais elle permet aussi aux acteurs du secteur portuaire d’avoir une meilleure collaboration en fournissant une plateforme commune pour partager des informations. Ainsi, les litiges liés aux transactions et opérations vont être résolus plus facilement, les coûts juridiques seront réduits, et les relations commerciales améliorées.
3- Les défis pour les ports traditionnels
Pour être efficaces et sûres, conserver leur clients et étendre leurs activités, les ports traditionnels doivent être ouverts au changement et ne pas se cramponner à leur mode de fonctionnement habituel. Plusieurs stratégies peuvent être adoptées par les ports traditionnels afin de relever le défis que pose l’émergence des smart ports.
Ils peuvent investir dans la technologie avancée afin de moderniser leurs infrastructures. L’utilisation de capteurs IoT mentionné plus haut peut être une solution pour surveiller les opérations en temps réel et par la même occasion garantir l’efficacité et la sécurité des opérations. L’automatisation de certaines opérations, notamment le chargement et le déchargement de conteneurs, peut contribuer à l’efficacité des ports traditionnels. Cela peut être rendu possible par l’usage de véhicules autonomes pour certains services à l’intérieur du port. L’usage des nouvelles technologies nécessite une maîtrise de celles-ci, il est donc essentiel que les ports traditionnels mettent en place des programmes de formation pouvant aider les employés à travailler convenablement et de manière efficace dans un environnement portuaire modernisé.
Comme tout projet, une feuille de route stratégique sera aussi nécessaire dans ce processus de modernisation des ports, car sans objectifs clairs, ni indicateurs de performances pour mesurer les avancées, et une disponibilité des ressources nécessaires pour réaliser le projet, celui-ci risque de ne jamais porter ses fruits.
La question incontournable d’analyse et de collecte de données doit être mis en filigrane dans les défis à relever par les ports traditionnels. En effet, il est plus que crucial d'implanter des systèmes qui permettent la collecte de données sur les opérations portuaires. Sur cette question, l’Union Européenne a franchi plusieurs étapes, notamment avec le projet de Data Ports dont l’objectif est de mettre en place une plateforme de données portuaires cognitives permettant de connecter les infrastructures numériques des différents ports européens. Des projets pilotes ont été réalisés dans des villes comme Valence en Espagne et Thessalonique, en Grèce, dans le cadre de la mise en œuvre du Data Ports. D’après le chef de projet Santiago Caceres, les tests réalisés ont donné des résultats probants, et il espère que la plateforme sera adoptée et mise en œuvre par l’ensemble des pays membres de l’UE.