La pêche dans la littérature
Ecrit par Antoine Le Morvan
13 mars 2024
La littérature regorge de romans sur la pêche et les pêcheurs. Anita Conti, Herman Melville, Jón Kalman Stefánsson et bien d’autres ont fait rêver des millions de lecteurs. La solitude, le deuil, mais aussi l’aventure, la solidarité, la beauté, y sont des thèmes récurrents . Des Caraïbes à l’Islande à, plus près de nous, la Bretagne, l’AEDM Nantes vous propose quelques récits.
Le vieil homme et la mer, Ernest Hemingway, 1952.
Comment ne pas commencer par Le vieil homme et la mer, pour lequel Hemingway obtint le Prix Pulltizer et le Prix Nobel de la littérature ? Cela fait 84 jours que Santiago, vieux pêcheur cubain, n’a rien ramené au port. Les parents du jeune Manolin l’ont même fait embarquer sur un autre bateau. A l’aube du 85ème jour, le « salao » (malchanceux) se prépare à aller plus loin en mer qu’il n’a jamais été. C’est là-bas que se trouvera le poisson qui lui redonnera l’estime de tous. Jamais il n’en aura vu d’aussi gros. Pendant trois jours, deux nuits, c’est une lutte entre l’homme et la nature que Santagio livre, mais aussi une lutte contre lui-même. Au milieu de l’océan, les mains ensanglantées, le soleil tapant, sans eau ni nourriture, le duel est interminable avec ce marlin qu’il finit par nommer son frère.
« Tu veux ma mort, poisson, pensa le vieux. C'est ton droit. Camarade, je n'ai jamais rien vu de plus grand, ni de plus noble, ni de plus calme, ni de plus beau que toi. Allez, vas-y, tue-moi. Cela m'est égal lequel de nous deux tue l'autre. »
Pêcheur d’Islande, Pierre Loti, 1886.
Avec « Pêcheur d’Islande », Pierre Loti signe son plus grand succès. Paru en 1886, il y dépeint l’histoire tragique de Yann, jeune Paimpolais, et Gaud, fille de commerçant revenue de Paris. La littérature française foisonne d’amours impossibles, mais celle-ci a un gout salé. Le roman est marqué par les campagnes successives de pêche en Islande qui forgent le jeune pêcheur. La mer semble d’ailleurs y être un personnage à part entière. Yann évoquera même un mariage avec elle, dont les vagues prennent pourtant, durant chaque campagne, les vies de ceux avec qui il a grandi. Par son écriture, de ses descriptions de l’Islande, aussi belle que dure, à ses mots sur les drames et le deuil, Loti parvient à transporter le lecteur, à le faire, lui aussi, attendre le retour des islandais…
Une fois Pêcheur d’Islande lu, n’hésitez pas à vous rendre au cimetière marin de Ploubazlanec, où le Mur des Disparus en mer vous rappellera le prix payé par les familles au cours de ces campagnes islandaises.
« Ils étaient cinq, aux carrures terribles, accoudés à boire, dans une sorte de logis sombre qui sentait la saumure et la mer. Le gîte, trop bas pour leurs tailles, s’effilait par un bout, comme l’intérieur d’une grande mouette vidée ; il oscillait faiblement, en rendant une plainte monotone, avec une lenteur de sommeil… »
Les houles de la mer d’Iroise, Récits 1911 – 1993, Michel Mazéas, 2003.
Ancien maire de Douarnenez, Michel Mazéas retrace des fragments des vies difficiles des marins-pêcheurs en Mer d’Iroise. Il dépeint l’évolution d’un métier au cours du XXème siècle, de générations en générations, de drames en drames.
On y retrace la Grande histoire, celle de l’occupation allemande ou de l’avènement du libre-échange par de petites histoires, comme cette naissance en pleine tempête entre Sein et Douarnenez. Une question reste en suspens au fil des pages : que seraient nos ports sans les marins-pêcheurs ?
« La mer peut se passer de nous, disait mon père, le temps et l’espace aussi. Ils ne sont que démesure au regard de nos trop courtes vies. La mer n’a rien fait pour être là et les marins s’imposent comme des intrus qui s’efforcent de la plier à leurs besoins. C’est la toute la différence entre elle et nous. »
L’épopée de la sardine, un siècle d’histoires de pêches, Jean-Claude Boulard, 2003.
Mes connaissances sur les sardines se sont longtemps résumées à des boites en fer blanc dans des rayons de supermarchés : sauce tomate, huile d’olive, ou jus de citron. Derrière ce poisson d’une quinzaine de centimètres pourtant, c’est une économie, et même une culture, qui prirent forme au début du XXème siècle. La sardine aura tant d’importance que Notre Dame de Larmor célèbrera une messe en son honneur le 14 juin, et qu’à la Turballe le recteur acceptera, pour permettre aux mousses d’embarquer, d’avancer la date des communions. Dans ce roman c’est à travers trois générations de marins, Pierre, Jos et Fanch Gloaguen, du grand père au petit fils, que le lecteur embarque à la découverte de la pêche à la sardine. De Douarnenez au Pays-Basque en passant par Le Croisic, des dizaines de milliers d’hommes partent en mer à sa recherche. Lorsqu’elle disparaît des côtes, c’est du goémon que mangeraient les pêcheurs. Lorsqu’elle est présente en quantité, ils n’en sont pas plus riches pour autant : les prix s’effondrent. Ce petit poisson est d’ailleurs à l’origine de ce que l’on appellera « le communisme sardinier ».
« Ecrire l'épopée de la sardine, est-ce bien raisonnable ? Qu'y a-t-il en effet de plus commun, de plus banal, et apparemment de plus dénué d'intérêt qu'une sardine ? »
Une belle grève de femmes – Les Penn sardin, Douarnenez, Anne Crignon, 2023.
La littérature et la pêche, c’est souvent une histoire d’hommes. La pêche pourtant, une fois à terre, il faut la transformer. Au début du XXème siècle, à Douarnenez comme sur le reste de la côte Atlantique, ce sont les femmes qui s’en occupent.
S'appuyant sur de nombreux témoignages, Anne Crignon retrace la vie et le combat de ces Penn sardin ("tête de sardines" en breton) qui, dès leurs huit ans, travaillent pour les conserveurs. « L’usine ne cesse qu’au jour de la mort ou quand la maladie frappe. ».
« En six semaines, des sardinières sans éducation politique ont appris le rapport de force.»
Depuis des siècles, la pêche a une place particulière dans la littérature. Ecrivains et écrivaines grattent sur le papier des récits mêlant les rêves de voyages et les tourments de la réalité sociale. L’AEDM Nantes espère que vous vous y plongerez.
A très vite !